Achaïra n° 199 : Chronique de la désobéissance : Benjamin Péret, poète surréaliste

Benjamin Péret, poète surréaliste

Dans le surréalisme, ce sont surtout les peintres qui sont connus du grand public : un tableau peut se regarder rapidement ; les poètes ont moins de succès : la lecture demande un effort, et Benjamin Péret est sans doute, relativement, le moins connu de tous les poètes surréalistes. Il écrivait :

« N’est donc pas étranger à la poésie celui qui, même placé à ras de terre, découvre à toute chose son aspect céleste, en opposition à celui qui, de la femme, ne retient que le sexe et du feu de bois son prix de revient. »

Les ressorts de son expression poétique, c’était l’écriture automatique, activité pratiquée largement lors des expériences du mouvement Dada annonciateur du surréalisme. Péret y excellait :

« Il vous suffit, disait-il, d’écouter la voix mélodieuse qui murmure en vous et d’écrire fidèlement ce qu’elle vous dicte. »

L’écriture automatique avait la prétention d’être beaucoup plus qu’une méthode mécanique pour produire facilement un poème, une œuvre ; c’était une façon de se libérer des diverses oppressions et des inhibitions sociales auxquelles nous sommes assujettis de longue mémoire.

L’écriture automatique, c’est le socle du surréalisme, ce dernier étant « la seule entreprise valable et désintéressée parce que seule elle amène la libération totale de l’esprit ».

Barthélemy Schwartz, dans son livre, retrace donc le parcours de Péret, ce « Janus », ainsi qu’il le qualifie, parce qu’il mena parallèlement, sans jamais trop les confondre, d’un côté, une vie de militant politique trotskiste cependant ouvert et en relation avec les anarchistes et, de l’autre, une vie de poète, particulièrement original, accompagnant André Breton dans la plus fidèle amitié tout au long de l’aventure surréaliste.

Péret s’exila au Brésil en 1929 pour y suivre la femme aimée, Elsie Houston, participa les armes à la main à la révolution espagnole de 1936 en s’engageant dans les colonnes anarchistes, connut quelque temps la prison sous le régime de Vichy pour ses activités politiques, puis se réfugia au Mexique, les États-Unis, où Breton vivait, lui étant interdits ; tout cela nous est rendu largement le long des pages, accompagné de nombreuses citations de Péret et des gens qu’il a fréquentés ; également de ceux qui se sont frottés avec bonheur à ses écrits. Schwartz nous décrit ainsi cet homme « irascible », dit-on ; entier, dirions-nous, dont la révolte n’était pas une simple posture d’artiste, mais une rigueur de vie exigeante : « Je ne mange pas de ce pain-là ! ».

Au Brésil, Péret, le bouffeur de curés, s’intéressa aux religions africaines de ce pays : « Je les ai surtout considérées du point de vue poétique ; ainsi, au contraire de ce qui se passe dans les autres religions plus évoluées, elles débordent de poésie primitive et sauvage qui est presque, pour moi, une révélation. »

Dans la vie quotidienne, Péret n’avait pas sa langue dans sa poche jusqu’à insulter dans la rue les curés en soutane. Pourtant, là encore, Péret n’hésita pas à montrer son intérêt pour les mystiques du Moyen Âge :

« Si nous pouvons cependant nous référer aux mystiques – à certains mystiques du moins –, c’est parce que, malgré leur esprit religieux, ils se situent sur le plan de la connaissance intuitive […] combattue par la religion. […] Car si la religion, dans ses premiers pas, s’inspire de la connaissance intuitive, c’est pour la répudier plus complètement ensuite. »

Ainsi l’emporte l’activité de l’inconscient sur le rationnel, ainsi est mise en avant la poésie, première approche pour connaître le monde qui nous entoure.

« Les générations futures auront à rétablir l’harmonie entre la raison et la poésie. […]. On peut reprocher à la pensée rationaliste si sûre d’elle-même de ne tenir en général aucun compte de ses assises inconscientes, de séparer arbitrairement le conscient de l’inconscient, le rêve de la réalité. »

L’introduction de Péret à son Anthologie des mythes, légendes et contes populaires d’Amérique est saluée par André Breton : « Tu donnes du premier coup […] le premier grand texte manifeste de notre époque. » Nous sommes en 1942. L’Anthologie, elle, ne sera publiée qu’en 1960, un an après la mort de Péret.

Maurice Nadeau dit de lui : « Je ne le prenais pas comme un surréaliste comme les autres, finalement. C’était un surréaliste qui travaillait, qui gagnait sa croûte. Il avait un boulot. Les autres pouvaient vivre de peinture, de machin, je ne sais pas de quoi, je n’ai jamais cherché à le savoir, mais lui, il était dans le concret et dans la vie. »

En effet, Péret détonnait dans le milieu surréaliste d’extraction plutôt bourgeoise ; il détonnait tant par ses humbles origines que par son comportement quelquefois abrupt.

En fin de volume, on trouvera une cinquantaine de pages consacrées à des poèmes de Benjamin Péret.

Que meure le blé noir si les dents du moineau n’attirent pas les alouettes
si les lumières du vin blanc n’obscurcissent pas les miroirs anciens.

Barthélemy Schwartz, Benjamin Péret, l’astre noir du surréalisme,

Libertalia éd., 2016, 336 p.

André Bernard

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