Chronique éco du jeudi 6 octobre 2011


La chronique économique

Achaïra, sur la Clé des ondes, 6 octobre 2011

 

Vous aurez remarqué l’atmosphère qui est en train de s’installer ; c’est une atmosphère feutrée, de fin de règne, de fin de partie. Le système s’écroule inexorablement sans que rien ne soit fait ou pas grand-chose en tout cas et où les décisions prises vont dans la continuité de la doctrine libérale. On l’a vu notamment en 2008, et même avant, avec la libéralisation, les privatisations et la dérégulation du système financier et économique qui, au fond, ont conduit celui-ci à sa perte. Eh bien, figurez-vous que trois ans après le krach de 2008, on nous ressert les mêmes recettes. Et, pour s’en convaincre, il suffit d’évoquer la lettre secrète du président de la BCE, Jean-Claude Trichet, et du gouverneur de la Banque d’Italie, Mario Draghi (futur successeur de Trichet), qui ont exhorté en août Berlusconi à équilibrer son budget d’ici à 2013 et à mettre en place une stratégie de réforme totale.

 

Qu’est-ce que l’on entend par réforme totale. Cela veut dire, et là je les cite, « une libéralisation totale des services publics locaux » et « un réexamen des procédures de licenciement ». Il faut entendre par là un assouplissement du Code du travail. Et, comble de cynisme dans cette ingérence de la part des responsables de la BCE (si on peut encore appeler ça des responsables), eh bien, Mario Draghi a été, de 2002 à 2005, vice-président de la branche européenne de la banque d’affaires américaine

Goldman-Sachs. Même banque qui, je vous le rappelle, a notamment aidé la Grèce à dissimuler son déficit public par le moyen d’un procédé considéré comme relevant de l’inventivité (? ? ?) comptable. En gros, une grosse magouille. On comprend bien que les nouvelles fonctions de M. Draghi prêtent à polémique quant à un éventuel conflit d’intérêt.

 

Donc, on le voit bien, malgré les faits cinglants qui ont complètement démenti la pertinence de ce système, les libéraux sont en train de profiter de la crise pour terminer leur programme et terminer le « détricotage » du peu d’État-providence qu’il nous restait. Et, tout cela, en réutilisant des capitalistes véreux.

 

Je ne sais pas dans quelle stratégie se sont enferrés ces gens-là. S’il s’agit de provocations ou s’ils sont tout simplement emportés par le tourbillon de l’Histoire. Mais, de tout évidence, tout ce qu’ils ont entrepris jusqu’à ce jour a participé à l’effondrement, à la déliquescence du système. Et ils sont en ce moment même en train de le précipiter.

 

Il suffit juste, d’ailleurs, d’aller glaner quelques informations qui ont jalonné ces quinze derniers jours pour prendre la mesure de la gravité de la situation.

 

Par exemple, nous avons eu la confirmation de ce que nous a annoncé Christophe il y a quinze jour, à savoir qu’une étude de l’agence de notation Fitch nous apprend que les dix plus grands fonds monétaires américains ont par mesure de précaution diminué leur exposition aux banques européennes de 27 % depuis fin mai ; et ce pourcentage monte à 34 % pour les banques françaises. Autre exemple, la faillite en règle de la banque d’investissement franco-belge Dexia, même banque qui, rappelez-vous, avait passé haut la main les « stress tests » du début de l’été. L’inquiétude évoquée par le président du département de Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone (PS), paraît légitime quand il estime que les difficultés de Dexia, premier prêteur des collectivités locales (cela représente 70 milliard d’euros pour la France), risquaient d’affaiblir le financement de l’investissement local. Autre dommage collatéral, l’effondrement de l’action de Morgan Stanley, deuxième banque d’investissement des États-Unis et qui serait fortement exposé à la dette européenne. Cela nous rappelle les interconnexions et les risques de contagion inhérents à ce système globalisé. Tout ces événements on amené le FMI à réagir et à préconiser d’injecter entre 100 et 200 milliards d’euros dans les plus grandes banques européennes pour stabiliser le secteur.

 

Analysons désormais la situation de l’économie réelle. Nous avons appris que les dépenses de consommation aux États-Unis avaient ralenti nettement en août alors que les revenus des ménages baissaient (− de 0,1%) et que le taux d’épargne des Américains était tombé à son niveau le plus faible depuis décembre 2009. Il semblerait donc peut probable, au vu de ces chiffres, que les consommateurs américains puissent contribuer à la relance de l’économie. À noter en Europe l’abaissement par l’agence de notation Standard and Poor’s de la note du Portugal avec une perspective négative, ce qui signifie qu’elle pourrait l’abaisser encore dans les mois qui viennent. Il faut savoir que le Portugal a demandé récemment à la Troïka un deuxième plan de sauvetage conséquent. L’Italie n’est pas en reste puisqu’elle a vu elle aussi sa note dégradée de trois crans par l’agence Moody’s.

 

Quant à l’Espagne, son chômage s’est envolé de 2 % à des sommets encore inédits.

 

Enfin, sur le plan politique, la situation est toujours aussi confuse avec des tensions et des craintes qui sont toujours plus saillantes. Par exemple, les dirigeants européens ont été sommés par le Brésilien Guido Mantega, représentant des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), de « trouver des solutions », « d’être rapides […] et coopératifs entre eux », car l’Europe est « l’épicentre de la crise ». Ou encore David Cameron qui réclame des dirigeants de la zone euro qu’ils manifestent « la volonté politique de faire le nécessaire pour assurer la stabilité du système », alors que ce dernier a plongé son propre pays dans une situation de quasi-stagflation. C’est-à-dire que la croissance stagne et que l’inflation y est quasiment galopante. Ce qui a pour effet de paupériser en premier lieu le prolétariat. En économie, la stagflation est considérée comme un cercle vicieux duquel il est très difficile de sortir. On sent donc dans ces propos une grande fébrilité.

 

Quant au FESF (Ques aco ?), il est le sujet de toutes les discordes. Un clivage est né entre 7 des 17 membres de la zone euro dont l’Allemagne et les Pays-Bas ferait partie et pousseraient pour une contribution renforcée des créanciers privés. Les Français seraient particulièrement opposés à cette initiative, en raison de la forte exposition des banques françaises à la dette grecque. Alors pourquoi les Allemands poussent-ils dans ce sens ? C’est tout simplement parce que la Troïka vient de doucher les espoirs des États européens en annonçant que la Grèce aurait besoin de plus d’argent encore. Cela remet totalement en cause l’accord obtenu entre les États européens et les banques du continent qui avaient concédé à une décote d’environ 20 % des crédits accordés à la Grèce. La menace d’une décote supplémentaire fera sans doute son petit effet.

 

Ce qui est intéressant aujourd’hui de constater, c’est qu’il y a une prise de conscience au niveau des opinions publiques et que la résignation est en train de fondre alors que l’indignation, elle, est en train de monter. Malgré tout, il reste une grande partie de la population qui pense, dans leurs rêves les plus fous, que les gens aux commandes ou que des partis d’oppositions ou du centre les sortiront de l’ornière. Je leur dis, tout simplement, qu’il suffit de regarder les faits qui se sont produits entre 2008 et 2011 − ou plus particulièrement ces trois derniers mois −, et ils verront que la direction prise n’est forcément pas la bonne.

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