Achaïra n° 192 : Chronique de la désobéissance : Le boycott

Le boycott

C’est bien malgré lui que l’ancien militaire anglais Charles Cunnington Boycott donna son nom à une pratique proche de l’action directe non-violente : le boycott.

Intransigeant régisseur, il souleva contre lui − en une véritable lutte de classe − des fermiers irlandais qui pratiquèrent à son encontre une impitoyable quarantaine. Il s’exila.

Le boycott peut se décliner de multiples façons : mise à l’index, ostracisme, embargo, rejet, bannissement, proscription, excommunication, blocus, non-coopération, interdit, mise à l’écart, isolement et même la simple bouderie. J’en oublie…

Si la grève est l’arme par excellence des producteurs, le boycott est celle, potentiellement, des consommateurs et des usagers qui peuvent ainsi développer un contre-pouvoir. Le boycott, par une action économique, peut redonner un pouvoir à la base que l’action politique a fait perdre et, parmi tous les autres moyens de lutte, le boycott − quand il se découvre un esprit libertaire − se révèle une arme économique pour ceux qui ne cherchent pas à conquérir le pouvoir politique.

Le contraire du boycott serait le « buycott », de « buy » : acheter, c’est-à-dire inviter les consommateurs à préférer tel marchand à tel autre, à choisir la « liste blanche » contre la « liste noire »… que l’on boycotte.

Un aspect du boycott que, d’ordinaire, on néglige, c’est l’importance donnée à l’individu, à sa liberté d’agir. En effet, dans l’action du boycott, l’individu ne s’efface pas derrière un collectif ou derrière une organisation ; d’une certaine façon, il s’en affranchit ; pour autant, il est de la plus grande évidence que le succès d’un boycott dépend de son articulation avec le collectif car on ne réussit pas seul ; néanmoins, dans un boycott, chacun s’engage selon ses possibilités, selon ses forces, et choisit sa façon propre de s’impliquer.

Dans la large panoplie de la désobéissance civile, le boycott est un outil que l’on associe le plus souvent à la non-violence. Il repose sur le refus. Si nous ne savons pas toujours ce qu’il faut faire, nous portons presque toujours en nous la certitude de ce qu’il ne faut pas faire, qu’il y a ainsi des limites que l’on ne peut franchir, autrement dit : l’individu recherche, plus ou moins consciemment, une cohérence dans sa vie.

L’Histoire est riche en boycotts :

− Un des plus connus, c’est la « Boston tea party », en 1773, qui préluda à l’indépendance des États-Unis en empêchant le débarquement des marchandises anglaises.

− La « mise à l’index » de patrons fermés aux revendications ouvrières avait été décrite par Michèle Marigot dans son Anarchosyndicalisme à Lyon, 1880-1914.

− Les actions de Gandhi sont mieux connues pour ne pas les redire ici.

− Le conflit mené en 1933 en Catalogne par la CNT anarcho-syndicaliste contre le patron de la bière Damm est décrit dans le livre Comme un chat de Floréal Cuadrado : après l’échec de la grève, la CNT organisa alors un boycott musclé victorieux.

− Le boycott des bus de Montgomery du 1er décembre 1955, en Alabama, fut le début du combat de la désobéissance civile qui se termina également par une victoire.

− En 1965, à Delano, les ouvriers agricoles, sur la côte occidentale américaine, lancèrent une grève qui s’étendit à toutes les entreprises et qui se transforma en un large boycott du raisin. L’apogée fut une marche de 500 km jusqu’à Sacramento.

− En 1990, c’est Nike, leader sur le marché de la chaussure et des vêtements de sport qui va subir le boycott de ceux qui lui reprochent de faire fabriquer ses marchandises selon des pratiques de production indignes. Nike s’incline en 1992.

− En 2001, après l’annonce de licenciements chez Danone à Calais et à Ris-Orangis alors que l’établissement est prospère, les ouvriers se mettent en grève et appelle au boycott de leur propre entreprise : « Danone licencie, licencions Danone de nos produits ! » Un site est lancé sur la Toile : « jeboycottedanone.com ».

− Le boycott de l’Afrique du Sud − qui durera une trentaine d’années − est bien connu, surtout par une image particulièrement évocatrice d’une tête d’enfant noir dans un presse-citron. C’était le boycott des oranges Outspan.

− C’est à l’exemple de l’Afrique du Sud que, en 2005, cent soixante-dix organisations de la société civile palestinienne ont lancé un appel à la société civile internationale pour un boycott intitulé BDS : Boycott, désinvestissement, sanctions. Cette action se développe avantageusement à travers le monde…

Sauf en France où, si le boycott n’est pas formellement interdit par la loi, il peut tomber, entre autres, sous le coup des articles 225-1 et 225-2 du Code pénal quand il est considéré « comme un acte discriminatoire ou une entrave à la liberté économique ». Visant plus particulièrement le BDS, les accusations d’« incitation à la haine raciale et à l’antisémitisme » sont portées. Des militants ont été condamnés, certains avec sursis.

La Cour européenne des droits de l’homme aura très certainement l’occasion de se prononcer dans les prochaines années sur cette affaire.

Le journal Le Monde du mardi 27 décembre 2016 titre en page une : « Israël face à la condamnation internationale de la colonisation » et consacre sa page 2 à la résolution 2334 du Conseil de sécurité des Nations unies condamnant la colonisation illégale en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.

Cette chronique est une esquisse d’une publication à venir en cours d’élaboration.

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