39ème Leçon d’autodéfense intellectuelle – Lundi 7 avril 2014

39ème Leçon d’autodéfense intellectuelleLundi 7 avril 2014

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 39ème chronique raisonnable, pour :

  • apprendre à soumettre à la critique les informations reçues
  • prévenir les manipulations et
  • démonter les croyances,

« Être libre, c’est ne plus avoir peur et être responsable de sa vie ».

 Aujourd’hui encore nous allons continuer notre exploration dont le but est d’établir un jugement rationnel, au travers de nos trois sources de connaissances que sont notre expérience personnelle, la science et les médias. Nous étudions le rôle important des médias.

Mais rappelons-nous la chronique précédente ! Nous avons évoqué le rôle des institutions du modèle propagandiste pour la « formation d’une opinion publique saine ». Nous avons vu comment Edward Bernays, neveu de Sigmund Freud, a développé l’industrie des relations publiques au travers de quelques faits marquants à mettre à son actif dans des applications aussi diverses que le développement du tabagisme ou la préparation d’un coup d’Etat militaire au Guatemala contre un gouvernement démocratiquement élu. Nous avons surtout vu quelle conception de la démocratie porte cette industrie. Le peuple est conçu comme spectateur et non acteur et il s’agit pour une élite de « fabriquer son consentement » à défaut de pouvoir le soumettre par la force. Les médias jouent un rôle clé dans cette opération. Et ceux-ci soumis aux règles du marché subissent un double effet de concentration. Le premier effet consiste aux rachats des différents médias par quelques groupes de plus en plus réduits. Nous avons illustré la première concentration avec la carte du PPA, le Parti de la Presse et de l’Argent, édité par le site de critique des médias, ACRIMED. Le deuxième effet consiste dans la réutilisation des mêmes informations par les différents médias, leurs nombres ne garantissant en rien la diversité.

On critique en premier la qualité des contenus des grands médias marchands, ils sont racoleurs, démagogiques. On pense aux « divertissements » que sont les télé-réalités, les télé-poubelles qui n’ont cessé de se multiplier ces dernières années. Mais le plus grave n’est pas que ces grands médias assument pleinement leur fonction d’acteur de la société du spectacle. Le plus grave est qu’ils abandonnent complètement leur fonction d’outils politiques fondamentaux d’élaboration d’un espace public de discussion pour n’être plus que des outils de propagande et d’occultation du réel. Si les reality show sont attristants par la conception de stupidité qu’ils véhiculent de leurs spectateurs, le plus grave se jouent au moment du journal télévisé et des émissions dites d’information.

Edward Hermann et Noam Chomsky ont mené des travaux concluants sur ces émissions d’information. Ils en ont déduit un modèle selon lequel les médias remplissent dans une très grande mesure une fonction propagandiste dans nos sociétés. Ils écrivent ainsi que les médias « servent à mobiliser des appuis en faveur des intérêts particuliers qui dominent les activités de l’Etat et celles du secteur privé ; leurs choix, insistances et omissions peuvent être au mieux compris – et parfois même compris de manière exemplaire et avec une clarté saisissante – lorsqu’ils sont analysés en ces termes. ».

Ce modèle propagandiste procède par des filtres qui surdéterminent la production médiatique. Ces filtres agissent sur la couverture médiatique en fonction des intérêts des principaux pouvoirs nationaux. Ils agissent sur les sujets traités ainsi que sur l’ampleur et la qualité de la couverture. Ce modèle permet des prédictions qu’il s’agit de comparer aux observations.

Il est retenu cinq filtres.

Le premier filtre concerne la taille, l’appartenance et l’orientation vers le profit des médias. Les médias appartiennent à des corporations, des personnes très fortunées, qui les contrôlent. Le contrôle monopolistique est tel si en 1983 on comptait seulement 50 entreprises qui contrôlaient la majorité des médias aux Etats-Unis, ce nombre réduisit à 5 corporations qui contrôlaient la majorité des médias américains – incluant la télé, les journaux, les revues, les films d’Hollywood, les magazines, les livres.

Le deuxième filtre porte sur la dépendance des médias envers la publicité. Les médias vendent moins d’informations à un public que du public à des annonceurs. Lorsque vous achetez un quotidien, vous êtes vous-mêmes le produit, pour une bonne part, dans ce que vous pensiez être une transaction dans laquelle vous achetiez de l’information. On dit ainsi « si c’est gratuit, c’est vous le produit ». On estime à 70% la part des revenus publicitaires pour un journal et à 90% pour une station de télévision, et probablement plus pour les géants du net comme Google, Apple, Facebook et Amazon. Ceux qui paient veulent que les émissions ou les pages où paraissent leurs publicités donnent un environnement favorable à la vente. Il n’est pas besoin d’intervenir directement pour influencer les médias en ce sens, car il y a une dynamique de convergence qui s’est mise en place. Certains annonceurs ont pu malgré tout intervenir directement. On peut citer ainsi des textes de Proctor and Gamble précisant qu’elle ne passerait pas d’annonces dans des émissions qui insulteraient les militaires ou laisserait entendre que le milieu des affaires ne constituerait pas une communauté bonne et religieuse.

Pour illustrer ce filtre, il est bon de citer à nouveau Patrick Le Lay, PDG de TF1, en 2004 :

« Il y a beaucoup de façons de parler de télévision. Mais dans une perspective business, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit.

Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau de téléspectateur soir disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible.

Rien n’est plus difficile, poursuit-il, que d’obtenir cette disponibilité. C’est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher ne permanence les programmes qui marchent, suivre mes modes, surfer sur es tendances, dans un contexte où l’information s’accélère, se multiplie et se banalise.

La télévision, c’est une activité sans mémoire. Si l’on compare cette industrie à celle de l’automobile, par exemple, pour un constructeur d’autos, le processus de création est bien plus lent ; et si son véhicule est un succès, il aura au moins le loisir de le savourer. Nous, nous n’en aurons même pas le temps !

Tout se joue chaque jour, sur les chiffres d’audience. Nous sommes le seul produit au monde où l’on « connaît » ses clients à la seconde, après un délai de 24 heures. »

Le troisième filtre est la dépendance des médias à l’égard de certaines sources d’information : le gouvernement, les entreprises elles-mêmes – notamment au travers des firmes de relations publiques – les groupes de pression, les agences de presse. Ceci crée une symbiose économique et idéologique entre les médias et ceux qui les alimentent et une affinité par la coïncidence des intérêts des uns et des autres.

Le quatrième filtre est celui des critiques que les puissants adressent aux médias pour les discipliner. Les médias finissent par reconnaître qu’il existe des sources fiables, communément admises et s’évitent du travail et les éventuelles critiques en se référant presqu’exclusivement à ces sources, accréditant ainsi leur image d’expertise. Ainsi on sépare en deux catégories les informations, celles issues de sources et d’experts réputés fiables qui sont considérées comme des faits et les autres qui sont alors considérées comme des opinions, des commentaires subjectifs, et donc de moindres valeurs.

Le cinquième filtre est baptisé par Hermann et Chomsky, l’anticommunisme ; ce terme est à replacer dans le contexte américain, en fait il concerne l’hostilité des médias envers toute perspective de gauche, socialiste, progressiste, etc.

L’avantage de ce modèle est qu’on peut le soumettre à l’épreuve des faits. Ainsi à chaque fois, les observations sont largement conformes aux prédictions. Ainsi du point de vue de la démocratie participative, des faits qui devraient être connus de tous ne le sont pas ou trop peu, et des interprétations des évènements qui devraient être entendues et discutées, ne le sont pas ou le sont trop peu.

Nous verrons le mois prochain, 25 sujets importants qui ont ainsi été occultés par les médias en 2004 aux Etats-Unis, une dizaine d’autres occultés au Canada entre 1993 et 1995, ou encore la foire d’Abbotsford qui est au Canada l’équivalent de notre EuroSatory.

Nous aborderons, lors de notre prochaine chronique, le modèle propagandiste des médias.

N’oubliez pas les conseils des émissions précédentes, ces conseils vous sont donnés pour laisser le moins de prise possible à l’émotion manipulatrice voulue.

Et retrouvez sur le site du cercle libertaire Jean-Barrué nos chroniques en référence au « Petit cours d’autodéfense intellectuelle » de Normand Baillargeon.

 

Alors, à la prochaine fois

 

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