38ème Leçon d’autodéfense intellectuelle – Lundi 3 mars 2014

38ème Leçon d’autodéfense intellectuelle Lundi 3 mars 2014

================================================================

38ème chronique raisonnable, pour :

  • apprendre à soumettre à la critique les informations reçues
  • prévenir les manipulations et
  • démonter les croyances,

« Être libre, c’est ne plus avoir peur et être responsable de sa vie ».

Aujourd’hui encore nous allons continuer notre exploration dont le but est d’établir un jugement rationnel, au travers de nos trois sources de connaissances que sont notre expérience personnelle, la science et les médias. Nous étudions le rôle important des médias.

 

Mais rappelons-nous la chronique précédente ! Nous avons mis en évidence, au travers d’un exemple, le rôle puissant des médias et des organismes de relations publiques. Nous avons vu qu’il fallait apprendre à ne plus penser que les médias se contentent de décrire ce qui se passe dans le monde, apprendre à ne plus croire que le travail des médias est neutre ou bien qu’il y a une nette séparation entre les faits et les opinions. Nous avons rappelé que l’information est un enjeu politique. Nous avons commencé à évoquer le rôle de ces institutions que sont les médias dans le façonnement des opinions au sein des démocraties réelles et vécues – par opposition aux démocraties idéales et proclamées.

La puissance des institutions du modèle propagandiste, la multiplicité de ces institutions et de leurs conceptions de masse au sein des démocraties est telle que la plupart des gens ont du mal à admettre cette réalité.

Pour les Etats-Unis, c’est avec la Première Guerre mondiale que nait la grande expérience au fondement de la propagande. La Commission on Public Information, présidée par Creel, a ainsi été créée pour amener la population américaine majoritairement pacifiste, à entrer en guerre. Cette commission connut un succès total. Elle donna naissance à plusieurs techniques et instruments de propagande des démocraties actuelles : distribution massive de communiqués, appel à l’émotion dans des campagnes ciblées de publicité, recours au cinéma, recrutement ciblé de leaders d’opinions locaux, mise sur pied de groupes bidon (par exemple des groupes de citoyens) et ainsi de suite. Ce travail a été décrit par Walter Lippmann, un de ses membres influents, comme « une révolution dans la pratique de la démocratie » où « une minorité intelligente », chargée du domaine politique, est responsable de « fabriquer le consentement » du peuple, lorsque la minorité des « hommes responsables » ne l’avaient pas d’office.

Il s’agit de la « formation d’une opinion publique saine », de se protéger « du piétinement et des hurlements du troupeau dérouté ». Le peuple décrit comme cet « intrus ignorant qui se mêle de tout », doit rester dans son rôle de « spectateur » et non de « participant ». La naissance de l’industrie des relations publiques nait avec l’idée que l’opinion publique devait être « scientifiquement » fabriquée et contrôlée à partir d’en haut.

Edward Bernays, neveu de Sigmund Freud, joue un rôle de tout premier plan dans le développement de cette industrie et de ses mœurs politiques. Dans de nombreux ouvrages, Bernays montre qu’il a appris les leçons de la Commission Creel. Il dit que dans ce laboratoire de la nouvelle démocratie a été conçu ce qui permet désormais de « discipliner les esprits du peuple tout comme une armée discipline ses corps ». Dans les relations publiques, Bernays connut une carrière légendaire. En 1929, il organise le dimanche de Pâques une mémorable marche de femmes sur la Cinquième Avenue, mettant la cause féministe au service du droit des femmes à fumer la cigarette. Au même moment, il aide les compagnies de cigarettes, Lucky Strike et American Tobacco, à dissimuler les preuves qui montraient déjà que le tabac est une substance mortelle.

Dans les années 1950 ; au service de United Fruit, il persuade le grand public du danger du communisme en Amérique latine. Il fait croire que les terres de la compagnie ont été confisquées, en « injectant » des fausses nouvelles dans les médias américains, et en créant de faux groupes populaires. Sa réussite fut telle qu’en juin 1954, un coup d’Etat militaire « aidé » par la CIA renversait le gouvernement du Guatemala, démocratiquement élu.

« La propagande est à la démocratie ce que la violence est à un État totalitaire » Noam Chomsky

La démocratie s’adresse ici à des spectateurs et non à des participants. L’information donnée est préparée par les véritables acteurs de la scène démocratique, elle doit divertir, elle est simplifiée au faible niveau de compréhension du monde qui est souhaité de ces spectateurs. Cette conception de la démocratie s’oppose à celle que la plupart des gens ont naïvement en tête.

Dans les années 1930, Harold Laswell, éminent spécialiste américain de la communication de masse et de la science politique, expliquait qu’il fallait éviter le « dogmatisme démocratique », car l’idée que les gens puissent déterminer eux-mêmes leurs besoins et leurs intérêts est fausse. La vérité, selon Laswell, est qu’une élite doit décider pour eux. Pour contrer le problème que cela poserait à la conception naïve de la démocratie, Laswell proposait à défaut de pouvoir contrôler la populace par la force, de la contrôlait par l’opinion.

Ainsi, aujourd’hui, les firmes de relations publiques sont de puissants acteurs politiques et économiques, au service des entreprises, des gouvernements, de quiconque en a les moyens.

Alex Carey, écrivain australien et psychologue social, pionnier dans l’étude de la propagande d’entreprise, écrit que le XXe siècle « a été caractérisé par trois développements de grande importance politique : celui de la démocratie, celui du pouvoir des entreprises et celui de la propagande des entreprises comme moyen de préserver leur pouvoir démocratique » . On ne saurait mieux dire.

Face à l’information en général et aux médias en particulier, la plus grande vigilance s’impose pour exercer son autodéfense intellectuelle.

Le droit à l’information suppose qu’une information digne de ce nom soit disponible et il a comme contrepartie le devoir de lucidité critique des citoyens.                    Manon Boner-Gaillard

Dans les démocraties libérales, l’information a été livrée au mécanisme du marché et le phénomène de concentration des médias est désormais évident. Mais on n’en mesure pas encore toute la portée politique.

Cette concentration des médias concerne deux mouvements distincts mais proches. Le premier est la concentration des médias (journaux, radio, télévision, magazines, maisons d’édition) dans les mains d’un nombre de plus en plus restreint de propriétaires ; le deuxième est la convergence des contenus qui circulent, resservent et alimentent les uns les autres divers médias à l’intérieur d’une propriété unique.

Sur cette concentration, on regardera avec intérêt la carte réalisée par le site ACRIMED, la carte du PPA, le parti de la presse et de l’argent, carte souvent appelée « La pieuvre ».

La carte du PPA version 2006

clip image002

http://www.acteko.com/wp-content/uploads/2014/01/cartePPA-juin2006_l.jpg

clip image004

clip image004

http://1.bp.blogspot.com/-b4ILRi3oZLQ/T285rOl7xgI/AAAAAAAAAGc/Sx-7nNhKWjk/s1600/cartePPA-2011.jpg

clip image006

clip image006

http://ekladata.com/u1XZj1GD-jgKy76pQsAo6Ocb6Zg.jpg

A retrouver dans le film « Les Nouveaux Chiens de Garde » : LNCDG-journal

On voit comment une poignée de propriétaires contrôlent la plus grande part de la diffusion médiatique.

Sur cette carte, les rédacteurs d’ACRIMED écrivent : Ces dernières années, les trois principaux quotidiens « nationaux» ont bouleversé leur actionnariat : Le Figaro racheté par Dassault, Libération renfloué par Édouard de Rothschild et Le Monde recapitalisé d’abord par Lagardère, puis par la troïka Pierre Bergé-Xavier Niel-Mathieu Pigasse (« BNP »). Une situation inédite depuis 1944. Peu après la Libération, le résistant Francisque Gay, responsable de la presse au Secrétariat général de l’information du Gouvernement provisoire, expliquait : « Il est un point sur lequel, dans la clandestinité, nous étions tous d’accord. C’est qu’on ne devait pas revoir une presse soumise à la domination de l’argent. » C’était le 7 mars 1945. À cette date, Laurent Joffrin n’était pas né. Heureusement ! Car soixante ans plus tard, le directeur de la rédaction du Nouvel Observateur haussait les épaules sur France Culture : « On n’y peut pas grand-chose sur le plan des structures économiques. […] Il est logique que le propriétaire fixe une orientation. »

Nous aborderons, lors de notre prochaine chronique, le modèle propagandiste des médias.

N’oubliez pas les conseils des émissions précédentes, ces conseils vous sont donnés pour laisser le moins de prise possible à l’émotion manipulatrice voulue.

Et retrouvez sur le site du cercle libertaire Jean-Barrué nos chroniques en référence au « Petit cours d’autodéfense intellectuelle » de Normand Baillargeon.

 

Alors, à la prochaine fois

 


SharePARTAGER
Ce contenu a été publié dans Achaïra, Leçon raisonnable de philaud, Messages reçus. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

 

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.