OPEX – la France, la guerre et le néocolonialisme

L’année 2014 a commencé comme 2013 avec une nouvelle intervention militaire en Afrique. Pour s’en tenir à ces 2 années, après le Mali, c’est aujourd’hui l’intervention des troupes françaises en Centrafrique. A nouveau, cette intervention a été lancée sans débat public, mais aussi sans l’expression publique d’une quelconque hostilité du peuple français. A ma connaissance, pas ou très peu de manifestations anti-guerre.

Les deux fois, la motivation humanitaire est avancée, mais aussi la défense des intérêts « sécuritaires » de la France, et la plainte de ne pas être suivie dans cette quête « humanitaire » par les autres « démocraties » occidentales.

Rappelons que les anarchistes, dont celles et ceux qui animent cette émission, ont toujours été contre les armées et les guerres. Cette opposition trouve ses racines dans la critique de l’Etat, superstructure qui s’impose au peuple, de la Nation, qui tend à unir un peuple contre les autres peuples, de l’autoritarisme qui structure le fonctionnement des armées, du principe du monopole de la violence aux mains des Etats et de la résolution des problèmes par la violence armée, de l’industrie de l’armement qui a un intérêt financier dans la multiplication des guerres et des conflits armés. Elle trouve aussi son application dans notre combat contre les inégalités entre individus, mais aussi contre la compétition entre les peuples, et la domination des nations les plus pauvres par les nations les plus riches, …

Cette situation amène plusieurs remarques dont nous souhaitons débattre avec nos invités de ce soir, l’association Survie, association qui lutte contre le néocolonialisme Français en Afrique en particulier et dénonce les crimes perpétrés.

Notre entretien sera découpé en 3 parties d’environ 15 minutes chacune.

La première consistera à vous présenter et à présenter le sujet qui a fait connaître votre association en trouvant ce nom la « Françafrique », vous nous dirait ce que recouvre ce concept, ses dimensions politiques, économiques et … militaires.

La seconde portera plus particulièrement sur l’interventionnisme militaire français, en rappelant tous les terrains actuels de présence de l’armée française dans le monde et ses implications économiques et démocratiques.

La troisième partie nous fera revenir à l’actualité d’il y a 20 ans avec le génocide au Rwanda, les questions des responsabilités directes et indirectes de l’armée française dans ce génocide.

1er sujet :

Nous allons donc peut-être commencer par vous demander de vous présenter et de présenter un peu plus précisément votre association, Romain et Pierre. Et nous vous interrogerons aussi donc sur ces interventions militaires françaises.

Tant au Mali, qu’en Centrafrique, il ne s’agit pas de l’agression d’un Etat contre un autre, ce qui fut le prétexte de la première guerre du Golfe, mais de conflits au sein d’un Etat, entre populations, bandes rebelles ou milices et Etats.

Pourquoi donc les Etats en question ne règlent pas localement ces questions ? Pourquoi ne le règlent-ils pas avec leurs voisins ? Pour faire court quel est l’état des armées nationales africaines ?

On parle d’une mécanique de désorganisation des armées africaines. Qu’en est-il d’après vous ?

Y a-t-il une différence d’autonomie avec les pays issus du Commonwealth et les anciennes colonies françaises ?

Derrière les interventions militaires françaises en Afrique, on retrouve peu ou prou les zones d’influence de grands groupes industriels français qui investissent dans le sous-sol africain. On pense à Elf-Gabon pour le pétrole, à AREVA pour l’uranium du Niger, pour Djibouti il s’agit plus d’un point d’appui pour sécuriser la route entre l’Océan Indien et la métropole. Ces pays comme leur voisin demande à être en bons termes avec ces entreprises pour la stabilité de leur exploitation, sinon un conflit militaire survient. Est-ce que cette présentation est trop caricaturale ?

2ème sujet :

La France dépense 1,25 milliards d’euros pour ses opérations militaires extérieures, dites OPEX, 1,8 milliard d’euros dépensés en 2011 (Afghanistan, Libye, Côte d’Ivoire).

Début 2013, les soldats français sont engagés sur une dizaine de théâtres d’opérations : Kosovo, Bosnie, Tchad, Centrafrique, Côte d’Ivoire, Libye, océan Indien, Liban, Afghanistan, Haïti et, Mali.

Nombre de soldats déployés dans les opérations extérieures de la France

1650 en Afghanistan (ISAF et OEF)

950 au Tchad (Epervier)

900 au Liban (Finul)

600 en République centrafricaine (Boali)

460 en Côte d’Ivoire (Licorne et Onuci)

300 au Kosovo (KFOR)

270 dans l’Océan Indien (Atalante et EPE)

150 dans le Golfe de Guinée (Corymbe)

80 en Jordanie (Tamour)

940 au Gabon

2 000 à Djibouti

3 000 au Mali (Serval)

1 600 en République centrafricaine (Sengaris)

Le budget de la Défense, avec 30 milliards, est le deuxième poste dans le budget de l’Etat français après l’Education avec 45 milliards et avant le budget de la Recherche et de l’enseignement supérieur à 25 milliards. Sur un budget propre de l’Etat à 200 milliards (370 milliards avec l’union européenne, les collectivités territoriales, la dette, les pensions, …). Les 1 à 2 milliards d’OPEX rarement provisionné, sont en général pris sur le budget de la Défense, mais cela donne aujourd’hui un argument à nombre de généraux pour que le budget de la Défense ne soit pas réduit mais au contraire augmenté, alors que depuis 1971 le budget de la France est régulièrement déficitaire. (On notera cependant qu’en 2013, ce déficit est un peu supérieur au montant de la charge de la dette.)

Pour continuer sur ces questions financières le coût quotidien de ces conflits : 1,4 millions € par jour pour l’Afghanistan, 1,6 millions € par jour pour la Lybie, 2,7 millions € par jour pour le Mali

Plus généralement, depuis 1945, on remarque qu’il y a eu dans le monde chaque année de 1 à 4 conflits militaires nouveaux ou sur plusieurs années. On se souviendra qu’en 1975 se déclenchèrent les guerres d’indépendance au Timor et en Angola qui durèrent tous deux jusqu’en 2002, 27 années !

La France va-t-elle pouvoir commémorer la fin de la première guerre mondiale alors qu’elle est aujourd’hui encore sur autant de fronts militaires ?

Si on veut être objectif, on verra l’autre facette, le retour sur investissement et la dynamique de l’économie de la guerre, la fortune du lobby militaro-industriel. Une affiche de la Fédération anarchiste rappelait ainsi « vos morts sont nos emplois », comme possible slogan publicitaire de l’industrie militaire. Et ça marche.

Parmi les 10 premiers pays exportateurs d’armes en 2012, la France est classée 3ème, avec 4,56 milliards de dollars d’exportation militaires, après les Etats-unis, 25,5 milliards, et la Russie, 10 milliards et devant Royaume-Uni, Allemagne et Israël.

http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article25048

avec « Le Fondeur de Canons » de Gaston Couté par Laurent Zoppis et Didier Isnard

Quand les guerres humanitaires ne suffisent pas, le Chef de l’Etat se transforme en commercial et va vendre les Rafales de l’industriel Dassault à l’Arabie Saoudite, avec promesses de les utiliser sur le front syrien où la France n’a pu s’engager aussi directement qu’en Afrique et ce n’est pas la volonté qui a manqué mais plus le nombre d’oppositions qui se sont manifestées.

On a trouvé moins chers que les rafales et plus faciles à vendre donc, ce sont les drones. Le groupe Safran en fabrique. 5 millions l’unité, loin du milliard d’euros du Rafale, évidemment.

On rappellera que l’industrie de l’armement est financée à 30% par ses exportations mais à 70% par le budget de l’état, de ces industries plutôt nationales.

Ce lien fort devrait mettre au cœur du débat public, les questions des dépenses militaires et des choix stratégiques. Vous trouverez peu de critiques de ces dépenses dans la presse ou dans le débat public. Ne pas oublier au passage que « Le Figaro » appartient à la famille… Dassault ! et que Matra Lagardère est un grand groupe de presse et d’armement.

Les drônes comme les armées professionnelles participent à éloigner les responsabilités morales du débat public en portant les morts loin des territoires nationaux. On peut penser aux vengeances futures, mais elles seront éloignées du déclenchement et la responsabilité initiale masquée derrière les mots de « terrorisme », un gros mot pour masquer de grands débatset de grosses responsabilités.

Qu’en pensez-vous ?

3ème sujet,

1994, la France est au Rwanda, le président Habiarima est assassiné dans son avion présidentiel depuis le sol, et c’est le signal du déclenchement du génocide rwandais, du génocide des tutsis par les Hutus.

Pouvez-vous nous redonner les clés historiques, que nous devrions tous connaître, mais non, pas si bien que l’atrocité devrait nous l’imposer ? Et nous dire, où on en est de la reconnaissance des responsabilités des uns et des autres et du rôle des autorités françaises, des deux bords politiques qui se partagent l’exercice du pouvoir en France ?

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