Chronique raisonnable n° 24 ou leçon d’autodéfense intellectuelle du jeudi 20 septembre 2012

Imaginez cet autre dessin avec un angle (un triangle sans sa base) pointe en haut entouré de deux disques noirs auxquels ils manquent un secteur au niveau de la jonction avec l’angle, en dessous de chaque disque, un angle à la pointe orientée à gauche pour celui de gauche, à droite pour celui de droite et en dessous entre ces deux angles et à l’opposé de l’angle du dessus, dessinez un disque dont le secteur manquant s’oppose à l’angle du haut. Alors que vous ne l’avez pas tracé, vous verrez apparaître au milieu un triangle blanc (couleur de la feuille) sans bordures. Si vous n’arrivez pas à faire le dessin, je le mettrais dans l’article sur le site pour que vous voyiez le triangle.

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Ce dessin est appelé le motif de Kanisza

 

Avec ces quelques exemples, nous pouvons admettre que nos perceptions en général fiables peuvent nous induire en erreur. Voici quelques exemples.

 

Un couple de Floride a vendu su E-Bay, fin 2004, un sandwich au fromage grillé vieux de dix ans pour un montant de 28 000 $ ! Pour le couple et probablement pour les enchérisseurs, il ne s’agissait pas d’un simple sandwich au fromage grillé mais un sandwich portant l’image d’un visage, celui de la Vierge Marie. Tous les visiteurs des sites calcaires comme Montpellier-le-Vieux connaissent cette imagination qui fait trouver des formes connues à des érosions naturelles. On pensera aussi, au message inscrit dans le ciel en Algérie alors que le FIS mobilisait les foules contre le gouvernement, quelle meilleure aide qu’un message de soutien écrit directement dans, par les nuages, un message du ciel !

Encore un exemple. En 1977, une photographie prise par la sonde Viking qui orbitait autour de Mars, attire un ingénieur, Vincent DiPietro. Il y voit la forme d’un visage. Que la NASA explique ce phénomène par l’érosion naturelle et les effets de lumière, amène même certains à penser qu’il y a là la preuve d’une volonté de cacher une importante découverte (paralogisme connu vu l’an passé). Ce visage est donné comme preuve de l’existence d’une intelligence sur Mars et des amas rocheux deviennent des pyramides. En fait dans toutes masses de données chaotiques, il est facile d’y trouver des phénomènes que nous jugerons remarquables, … sans qu’ils le soient nécessairement. C’est une précaution élémentaire de la pensée critique.

 

Nous clôturerons cette émission par le cas des rayons N du Docteur Blondlot. Ici, même des scientifiques peuvent être victimes, lorsqu’ils abusent de ces perceptions comme validation. A la fin du XIXe et au début du XXe siècle, la physique fait de nombreuses découvertes, et de nombreuses radiations sont découvertes et étudiées (rayons X, rayons cathodiques par exemple). Le Dr Blondlot, physicien à l’Université de Nancy annonce en 1903 la découverte des rayons N, nommés ainsi en l’honneur de sa ville et de son université. Si vous ne connaissez pas encore ces rayons, c’est qu’ils n’existent pas.

Blondlot voyait ces rayons N à l’œil nu, émis par certains métaux. Il avait réalisé un dispositif assez simple pour envoyer ces rayons sur des objets recouverts d’une peinture d’aluminium qui les rendait plus lumineux. Mais ses confrères peinaient à reproduire l’expérience et l’incapacité d’observer ces rayons fit naître une vague de scepticisme. Un jeune américain, Robert Wood, se fit inviter par le laboratoire Blondlot pour participer aux expériences.

Voici l’expérience, un dispositif permet d’émettre ces supposés rayons N. Ils sont réfléchis sur la peinture dont la luminosité augmente sous l’effet des rayons. Blondlot constate de visu cette augmentation ou non de luminosité et en conclut à la présence ou non des rayons N. Pour masquer les rayons, une feuille de plomb était disposée manuellement sur le trajet des rayons, et elle était retirée pour les laisser passer, car Blondlot croyait qu’elle avait pour effet de bloquer les rayons N.

C’est à Wood que Blondlot confia le soin de placer la feuille de plomb. Mais lorsque Wood dit que la feuille de plomb est présente, Blondlot n’observe pas la présence de rayons N – même lorsque Wood ment ! En fait Wood déclara placer la feuille quand il ne le fait pas et inversement. Et Blondlot observe les rayons quand il les croit visibles. La lettre de Wood parut dans la revue Nature – déjà prestigieuse revue scientifique – du 29 septembre 1904 et reste un classique de la pensée critique. Il y conclut avec cette expérience et d’autres que Blondlot a été victime de « distorsion perceptive ».

 

Lors de notre prochaine émission, nous terminerons l’analyse critique de nos perceptions avec l’étude d’un peu de magie et aborderons la mémoire et le souvenir.

 

Enfin, n’oubliez pas les conseils des émissions précédentes, ces conseils vous sont donnés pour laisser le moins de prise possible à l’émotion manipulatrice voulue.

 

Et retrouvez sur le site du cercle libertaire Jean-Barrué (http://cerclelibertairejb33.free.fr ) nos chroniques en référence au « Petit cours d’autodéfense intellectuelle » de Normand Baillargeon.

 

Alors, à la prochaine fois

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