La chronique économique
Achaïra, sur la Clé des ondes, 3 novembre 2011
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Achaïra, sur la Clé des ondes, 3 novembre 2011
Encore une fois, les choses sont passées à une vitesse folle ces quinze derniers jours. Nous avons eu droit à deux événements majeurs dans l’histoire de la construction ou de la déconstruction européenne. À vrai dire, je ne sais plus vraiment dans quelle dynamique me placer.
En effet, ce fut tout d’abord un scénario kafkaïen concernant le troisième accord relatif au sauvetage de la Grèce avec un invité surprise, l’Italie.
On se souvient des contorsions qui ont été nécessaires pour faire avaler la pilule aux banques privées d’un effacement plus conséquente que prévue de la dette grecque. L’accord initial du 21 juillet préconisait une décote de 21 %, très loin des 50 % concédés récemment. À ce titre, Charles Dallara, directeur de l’Institute of International Finance (IIF) et négociateur des banques d’affaire lors du dernier sommet européen, a déclaré que cette décote serait « unique et exceptionnelle ». Preuve que nous avons atteint là l’extrême limite de la philanthropie des banquiers. Or de nombreux économistes ont estimé qu’une décote encore plus conséquente, qu’ils ont évaluée à 60 %, était nécessaire afin de sortir définitivement la Grèce de la zone de turbulence. C’est notamment le cas de Jonathan Loynes, analyste à Capital Economics qui pense que « la dette grecque sera beaucoup plus importante que 120 % en 2020 étant donné le régime d’austérité maximale qui lui est infligé et, par conséquent, de nouvelles restructurations ou un nouveau défaut grec restent très probables à l’avenir ».
Cette décote ayant été actée, les technocrates européens se sont ensuite penchés sur la santé des banques les plus fragiles du continent et les plus exposées à cette restructuration. Les banques espagnoles, italiennes et grecques seront les plus dépendantes du plan de renflouement estimé à 100 milliards d’euros.
L’Espagne, à cause des dettes privées faramineuses dues à l’explosion de la bulle immobilière (on l’estime à 400 milliards d’euros) qui ont fragilisé les banques régionales, l’Italie à cause de son exposition à la dette souveraine grecque mais aussi au manque de liquidités au sein de ses établissements bancaires et enfin la Grèce à cause de la spéculation sauvage dont elle a été victime. Et la France, me direz-vous, eh bien, elle se trouve dans une situation particulière puisqu’elle est dans l’obligation de limiter ses dépenses publiques dans la mesure où elle doit à tout prix conserver le AAA octroyé par les agences de notation scélérates. C’est en effet la condition sine qua none pour qu’elle continue d’alimenter le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et ainsi poursuivre la fuite en avant. L’option choisie sera donc d’étrangler encore plus l’économie puisque les banques françaises devront se recapitaliser elles-mêmes en resserrant les conditions d’octroi du crédit et en encaissant les encours.
Le plus cynique dans cette histoire, c’est qu’à nouveau des banques privées sont sauvées à grand coup d’argent public sans qu’aucune contrainte ne leur soit imposée. La question de la nationalisation des banques n’est donc toujours pas à l’ordre du jour.
Abordons enfin le dernier volet de l’accord conclu à Bruxelles par les chefs d’État européens, accord qui concerne l’augmentation de la force de frappe du FESF à hauteur de 1000 milliards d’euros. L’enjeu est de créer un pare-feu pour protéger l’Espagne mais avant tout l’Italie de la spéculation sur sa dette souveraine qui s’élève à 1900 milliards d’euros. Indubitablement, ce montage financier reste largement insuffisant et très flou dans sa dotation et sa mise en pratique puisqu’il aura pour vocation d’apporter une garantie sur des sommes investies par des créanciers privés comme la Chine ou le Brésil. Ces derniers y voient un double intérêt. Le premier est que leurs économies sont toujours très dépendantes de notre demande en produits manufacturés et le deuxième intérêt est qu’ils sont à la recherche d’une reconnaissance et d’une influence accrue dans les instances internationales (FMI, OMC, ONU, etc.). Ce serait pour eux un moyen de pression non négligeable pour y parvenir.
Tout reste donc à faire concernant le FESF ; et de nombreuses zones d’ombre restent à éclairer.
Outre la situation propre à l’Italie, les marchés, qui ont salué le plan européen jeudi dernier, commencent maintenant à se demander si le filet de sécurité mis en place par l’UE sera suffisant pour éviter une contagion de la crise à la péninsule qui mettrait l’ensemble de la zone euro à genoux. Sans compter la perspective d’un référendum en Grèce annoncé par le Premier ministre grec, qui a créé un puissant raz-de-marée qui risque de ne plus pouvoir être endigué, que ce soit aussi bien au niveau des peuples qu’au niveau des marchés.
Concernant le référendum, une question se pose. Qu’est-ce qui a bien pu motiver Papandréou à prendre une décision politique aussi ultime et risquée ? Des éléments de réponse peuvent d’ores et déjà être avancés.
Au niveau politique, le Premier ministre grec est acculé. En effet, dans son propre camp, une scission est en train de naître. Des défections et des évictions d’élus du Pasok (parti socialiste) se sont déjà produites au parlement ; et la majorité absolue ne tient plus qu’à deux sièges désormais.
Le peuple grec, quant à lui, tente, la rage au ventre, de renverser une situation qui l’enfonce inexorablement dans les abîmes de la grande dépression. C’est quasiment tous les jours que les Grecs défilent dans un climat quasi insurrectionnel et provoquent des coups d’éclat (grèves générales, annulation du défilé national, etc.)
Enfin, la dernière motivation qui pourrait expliquer cette volte-face salvatrice de Papandréou est le contenu du dernier accord entre la Grèce et ses créanciers. De plus en plus de fuites tendraient à révéler qu’il serait question d’une perte totale de souveraineté d’Athènes (la Troïka serait quotidiennement dans la péninsule hellénique) et d’un dépeçage en règle du peu d’État-providence qu’il reste. Seul resterait dans le giron du secteur public les pouvoirs régaliens. On comprend le sursaut démocratique et non socialiste de Papandréou qui aurait la volonté, au fond, de ne pas passer pour le liquidateur du pays.
En tout cas, cette décision surprise aura eu le mérite de casser le cercle de connivence des dirigeants acquis à la cause libérale et aux lobbies bourgeois. C’est une porte qui s’ouvre vers la démocratie et vers la souveraineté des peuples face à la ploutocratie.
Invitons-nous dans une histoire qui se serait volontiers écrite sans nous !
En effet, ce fut tout d’abord un scénario kafkaïen concernant le troisième accord relatif au sauvetage de la Grèce avec un invité surprise, l’Italie.
On se souvient des contorsions qui ont été nécessaires pour faire avaler la pilule aux banques privées d’un effacement plus conséquente que prévue de la dette grecque. L’accord initial du 21 juillet préconisait une décote de 21 %, très loin des 50 % concédés récemment. À ce titre, Charles Dallara, directeur de l’Institute of International Finance (IIF) et négociateur des banques d’affaire lors du dernier sommet européen, a déclaré que cette décote serait « unique et exceptionnelle ». Preuve que nous avons atteint là l’extrême limite de la philanthropie des banquiers. Or de nombreux économistes ont estimé qu’une décote encore plus conséquente, qu’ils ont évaluée à 60 %, était nécessaire afin de sortir définitivement la Grèce de la zone de turbulence. C’est notamment le cas de Jonathan Loynes, analyste à Capital Economics qui pense que « la dette grecque sera beaucoup plus importante que 120 % en 2020 étant donné le régime d’austérité maximale qui lui est infligé et, par conséquent, de nouvelles restructurations ou un nouveau défaut grec restent très probables à l’avenir ».
Cette décote ayant été actée, les technocrates européens se sont ensuite penchés sur la santé des banques les plus fragiles du continent et les plus exposées à cette restructuration. Les banques espagnoles, italiennes et grecques seront les plus dépendantes du plan de renflouement estimé à 100 milliards d’euros.
L’Espagne, à cause des dettes privées faramineuses dues à l’explosion de la bulle immobilière (on l’estime à 400 milliards d’euros) qui ont fragilisé les banques régionales, l’Italie à cause de son exposition à la dette souveraine grecque mais aussi au manque de liquidités au sein de ses établissements bancaires et enfin la Grèce à cause de la spéculation sauvage dont elle a été victime. Et la France, me direz-vous, eh bien, elle se trouve dans une situation particulière puisqu’elle est dans l’obligation de limiter ses dépenses publiques dans la mesure où elle doit à tout prix conserver le AAA octroyé par les agences de notation scélérates. C’est en effet la condition sine qua none pour qu’elle continue d’alimenter le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et ainsi poursuivre la fuite en avant. L’option choisie sera donc d’étrangler encore plus l’économie puisque les banques françaises devront se recapitaliser elles-mêmes en resserrant les conditions d’octroi du crédit et en encaissant les encours.
Le plus cynique dans cette histoire, c’est qu’à nouveau des banques privées sont sauvées à grand coup d’argent public sans qu’aucune contrainte ne leur soit imposée. La question de la nationalisation des banques n’est donc toujours pas à l’ordre du jour.
Abordons enfin le dernier volet de l’accord conclu à Bruxelles par les chefs d’État européens, accord qui concerne l’augmentation de la force de frappe du FESF à hauteur de 1000 milliards d’euros. L’enjeu est de créer un pare-feu pour protéger l’Espagne mais avant tout l’Italie de la spéculation sur sa dette souveraine qui s’élève à 1900 milliards d’euros. Indubitablement, ce montage financier reste largement insuffisant et très flou dans sa dotation et sa mise en pratique puisqu’il aura pour vocation d’apporter une garantie sur des sommes investies par des créanciers privés comme la Chine ou le Brésil. Ces derniers y voient un double intérêt. Le premier est que leurs économies sont toujours très dépendantes de notre demande en produits manufacturés et le deuxième intérêt est qu’ils sont à la recherche d’une reconnaissance et d’une influence accrue dans les instances internationales (FMI, OMC, ONU, etc.). Ce serait pour eux un moyen de pression non négligeable pour y parvenir.
Tout reste donc à faire concernant le FESF ; et de nombreuses zones d’ombre restent à éclairer.
Outre la situation propre à l’Italie, les marchés, qui ont salué le plan européen jeudi dernier, commencent maintenant à se demander si le filet de sécurité mis en place par l’UE sera suffisant pour éviter une contagion de la crise à la péninsule qui mettrait l’ensemble de la zone euro à genoux. Sans compter la perspective d’un référendum en Grèce annoncé par le Premier ministre grec, qui a créé un puissant raz-de-marée qui risque de ne plus pouvoir être endigué, que ce soit aussi bien au niveau des peuples qu’au niveau des marchés.
Concernant le référendum, une question se pose. Qu’est-ce qui a bien pu motiver Papandréou à prendre une décision politique aussi ultime et risquée ? Des éléments de réponse peuvent d’ores et déjà être avancés.
Au niveau politique, le Premier ministre grec est acculé. En effet, dans son propre camp, une scission est en train de naître. Des défections et des évictions d’élus du Pasok (parti socialiste) se sont déjà produites au parlement ; et la majorité absolue ne tient plus qu’à deux sièges désormais.
Le peuple grec, quant à lui, tente, la rage au ventre, de renverser une situation qui l’enfonce inexorablement dans les abîmes de la grande dépression. C’est quasiment tous les jours que les Grecs défilent dans un climat quasi insurrectionnel et provoquent des coups d’éclat (grèves générales, annulation du défilé national, etc.)
Enfin, la dernière motivation qui pourrait expliquer cette volte-face salvatrice de Papandréou est le contenu du dernier accord entre la Grèce et ses créanciers. De plus en plus de fuites tendraient à révéler qu’il serait question d’une perte totale de souveraineté d’Athènes (la Troïka serait quotidiennement dans la péninsule hellénique) et d’un dépeçage en règle du peu d’État-providence qu’il reste. Seul resterait dans le giron du secteur public les pouvoirs régaliens. On comprend le sursaut démocratique et non socialiste de Papandréou qui aurait la volonté, au fond, de ne pas passer pour le liquidateur du pays.
En tout cas, cette décision surprise aura eu le mérite de casser le cercle de connivence des dirigeants acquis à la cause libérale et aux lobbies bourgeois. C’est une porte qui s’ouvre vers la démocratie et vers la souveraineté des peuples face à la ploutocratie.
Invitons-nous dans une histoire qui se serait volontiers écrite sans nous !