Gustav Landauer
Gustav Landauer, c’est quelqu’un que l’on connaît très mal en France.
Né en 1870 à Karlsruhe, en Allemagne, il meurt assassiné par les Freikorps en 1919 après sa participation à la République des conseils de Bavière où il fut brièvement commissaire à l’instruction publique et à la culture.
Nous avions lu son texte sur la Révolution, publié en 1974, épuisé maintenant, mais réédité en 2006 dans une nouvelle traduction de Margaret Manale et de Louis Janover. Le Discours de la servitude volontaire de La Boétie et y est beaucoup cité. On peut retrouver également Landauer dans le recueil Juifs et anarchistes aux éditions de l’Éclat.
Le livre que nous évoquons aujourd’hui, c’est la Communauté par le retrait et autres essais, traduits et présentés par Charles Daget aux éditions du Sandre.
La personnalité de Landauer est complexe et multiple. Après avoir étudié la philosophie dans diverses universités : Berlin, Heidelberg et Strasbourg, il devient journaliste, traducteur, critique dramatique et aussi… vendeur de livres.
Il choisira l’anarchisme après une période chez les sociaux-démocrates et un passage par un groupe de jeunes dissidents de ce parti.
S’il est le premier à traduire en allemand moderne l’hérétique et mystique rhénan Maître Eckhardt, il est également le traducteur de La Boétie et de Kropotkine, mais il écrivit également des essais sur Shakespeare. S’il traduit les œuvres d’un mystique, Landauer affirme pour autant son athéisme. Mais il n’est pas un spiritualiste car il n’oppose pas l’esprit à la matière.
Qu’entend-il par « la communauté par le retrait » ? Eh bien, il différencie la « communauté » de la « société » ; la « société » étant le pendant de l’État alors que la « communauté » s’en sépare. Le retrait, donc, c’est la séparation, la non-coopération, une sorte de désobéissance civile. J’ai dit que Landauer a traduit le Discours de la servitude volontaire.
« Ce n’est pas dans un État que la réalité socialiste adviendra, mais à l’extérieur, en dehors de l’État, et d’abord à côté de l’État, aussi longtemps que subsistera cette antique sottise, cet empiètement organisé, cette immense folie. » (p. 74)
En 1893, Landauer avait été condamné à un an de prison pour « incitation à la désobéissance envers l’État ». Un précurseur en quelque sorte !
Landauer présente aussi une idée de la nation bien particulière : pour lui, la nation est essentiellement une communauté de langage et de culture ; bien sûr, il est tout sauf un nationaliste. Il s’intéressera ainsi beaucoup au yiddish, langue d’un peuple sans État
Mais comme il a aussi traduit Kropotkine, il lui emprunte sans doute le terme de « commune », puis dans l’action adoptera le terme de « conseil ».
Je me permets d’emprunter un passage à la préface de Charles Daget, mais sans le suivre mot à mot. Daget déclare que Landauer n’est pas marxiste, que le prolétariat n’est pas pour lui « le sujet de l’histoire », que c’est le « peuple » le sujet de l’histoire, peuple qui disparaît dans les périodes de transition, mais peuple qui se lève à l’occasion des révolutions pour développer des institutions autonomes comme les communes, les conseils, etc. ; mouvement qui vise à résorber l’État.
Plus loin, Landauer écrit :
« Ainsi, le peuple, dont nous allons désormais parler, n’a absolument rien à faire avec les frontières étatiques et les nationalités. » (p. 73)
Landauer est très critique par rapport aux attentats anarchistes de l’époque. Il reprend la formule de Kropotkine qui écrivait dans la Révolte en 1891 qu’« un édifice social, fondé sur des siècles d’histoire, ne se détruit pas avec quelques kilos de dynamite ».
Dans un texte à paraître, pour la revue Réfractions, où je me penche sur deux livres de Kropotkine : l’Entraide et l’Éthique, à la recherche des fondements scientifiques de la morale, j’en viens à citer, pour conclure, une phrase étrange de Piotr Archinov après l’écrasement des partisans makhnovistes en 1921.
Archinov écrivait : « Prolétaires du monde entier, descendez dans vos propres profondeurs, cherchez-y la vérité et créez-la [nous aurions dit : « extirpez-la ! »] : vous ne la trouverez nulle autre part. » Phrase étrange pour un anarcho-communiste, pratiquant la guérilla !
Un peu moins étrange quand on lit dans cette première partie du livre de Landauer, écrite en 1900, et dont le texte fut sans doute connu de Piotr Archinov, des propos comme : « Notre individualité la plus singulière est notre universalité la plus absolue. Plus je me réfugierai profondément en moi-même, plus je participerai au monde. »
Mais Landauer n’est pas tout entier dans ce premier texte intitulé la Communauté par le retrait ! Dix-neuf autres essais suivent, plus ou moins courts, pour faire un livre de 288 pages.
Il faudrait que j’aborde le côté plus que pacifiste de Landauer qui le fit s’opposer à Kropotkine et au Manifeste des 16. Et en même temps critiquer la traduction de Charles Daget, quand il utilise de façon inadéquate le terme de « non-violent », mot plutôt anachronique, surtout quand à propos de Tolstoï il ne s’agit que de « résistance passive ».
Je passe sous silence le nombre exagéré de coquilles qui parsèment abondamment ce livre.
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