Les chômeurs ont trouvé une bonne occupation

RENEGOCIATIONS UNEDIC

LES CHOMEURS ONT TROUVE

UNE BONNE OCCUPATION

Déjà en novembre-décembre 1995, dans de nombreuses villes, les chômeurs avaient réussi à participer ensemble aux manifestations. A Bordeaux par exemple, les chômeurs manifestèrent avec AC ! (Agir ensemble contre le Chômage), l’APEIS et les comités CGT privés d’emploi derrière la banderole « Chômeurs tous ensemble ». Après d’âpres négociations, ils arrivèrent même à manifester en tête de cortège.

De la charité à la revendication syndicale :

Les chômeurs ont mené des luttes pour obtenir des aides diverses : gratuité des transports en commun, gratuité de l’affranchissements, aides pécuniaires spéciales pour Noël ou les congés scolaires, des repas gratuits dans les restaurants ou les grandes surfaces, etc.

Cette année, ils abordent la question du revenu à travers la lutte contre la dégressivité des allocations chômage. Pour AC ! aujourd’hui, le revenu plancher, dit aussi revenu décent, est défini comme étant le SMIC. Cela n’a pas toujours été évident. Pourquoi ceux qui travaille auraient-ils pareil que ceux qui ne travaillent pas ? D’abord parce qu’un revenu correspond à des besoins et non à une récompense. Hors le SMIC, lorsqu’il s’appelait encore SMIG, se définissait par rapport au coût de la vie des moyens de consommation « minimum ». Ensuite parcequ’en dessous du SMIC, on ne vit qu’en demandant des aides et des exonérations, en allant quémander auprès des Assistantes sociales et des services sociaux. Bonjour la dignité !.

Ensuite, cette revendication a pour qualité d’unifier les revendications des travailleurs, avec ou sans emploi, autour du SMIC. Car comme le dit CARGO, « Le SMIC c’est rien, moins que le SMIC, c’est moins que rien ! ».

Cela renforce le SMIC, comme salaire minimum, alors qu’aujourd’hui il est dépassé par en dessous par tous les contrats précaires payés en dessous du SMIC. Il permet de renflouer les caisses de protection sociale vidée à cause du chômage. Avec une indemnisation égale au SMIC, on cotise autant qu’un salarié !.

Surtout, il doit renforcer le refus de la soumission des salariés, pourquoi travailler à n’importe quelle condition si, au chômage, on à la garantie d’être payé pareil ? !

Depuis le 19 novembre, se mènent des négociations entre partenaires sociaux (patronats – syndicats), pour redéfinir pour les 4 années à venir les conventions UNEDIC. Elles portent sur les allocations de formation, les allocations pré retraités, les allocations chômages dont l’allocation unique dégressive (AUD). Il est aussi question d’annuler le statu des intermittents su spectacle (cf. ML précédent).

Il faut savoir que les caisses de l’UNEDIC ont un excédent de 13 milliards, fin 1996. En 1996, l’Etat a spolié les chômeurs de 12 milliards en ne payant pas les aides prévues au nom des excédents. DE PLUS EN 1992 ? L’UNEDIC avait un déficit de 33 millions, cela fait donc près de 60 milliards pris aux chômeurs en 4 ans, alors que certains crèvent de faim !.

Comment a été obtenu cet excédents ? grâce à la dégressivité des allocations. Dégressivité votée en 1993.

Tous les 4 mois, une dégressivité de 15 à 17 % est appliquée. Le montant moyen de l’indemnisation mensuelle est de 4322 F. (contre 4340 F., en 1995). 65 % des chômeurs reçoivent 4.000 F., maximum, et 6,9 % touchent 8000 F., ou plus.

Sur les 3,3 millions de demandeurs d’emploi indemnisés, dont 1,7 millions dans le cadre du régime d’assurance et 0,5 millions dans le cadre du régime de solidarité (financé par l’état) avec l’Allocation Spécifique de Solidarité à environ 2.000 F., par mois. Mais pour les jeunes de moins de 25 ans n’ayant jamais eu un emploi, c’est exclusion de tous les régimes de solidarité, même pas le RMI.

Cette situation ne peut durer !

Le 23 Mars 1996, une première manifestation pur un revenu décent pour tous, contre la dégressivité de l’AUD, a eut lieu à PARIS à l’appel de AC ! de l’APEIS ! du MNCP, de l’UNAC, de Droits Devants. A Bordeaux, nous sommes montés avec AC !, APEIS, et les Comités CGT privés d’emploi.

A partir du 18 octobre dans de nombreuses villes des mobilisations, manifestations, rassemblements, ont eu lieu. Avec des violences policières, comme à Paris devant le siège de ‘UNEDIC.

A Bordeaux, les patrons sont mis au pied du mur par les chômeurs !

Reprenant une vieille proposition d’AC ! gironde, les comités CGT privés d’emploi proposent une action devant le siège du CNPF le 19 novembre à 10 H. Sont présents outre les comités locaux CGT, AC ! et l’APEIS. Après une demande d’audience sans résultat, u mur en parpaings est monté devant la prote de l’Union Patronale Girondine, devenue fermée « pour cause d’inutilité sociale » ! et réclamant « des moyens pour vivre ».

L’après-midi l’ASSEDIC de Bordeaux Mériadeck (centre ville) est occupée, tout en continuant l’ouverture aux usagers.

Entre temps, AC ! rencontre l’UD CFDT pour avoir ses positions sur les négociations en cours. Une identique demande de rencontre à l’UD-FO dont le secrétaire est un ancien membre de la FA reconverti. Cette seconde entrevu fut vive, FO et son secrétaire accusant les chômeurs d’être les « diviseurs de la classe ouvrière » et se déclarant désormais contraint à recevoir des associations d’inspiration Front National, puisqu’il avait reçu AC !. C’est sans doute sa conception de l’indépendance syndicale !.

Le soir du 19, la continuation de l’occupation est décidée par une poignée de chômeurs en colère (10 femmes et 2 hommes), mais très vite une cinquantaine de chômeurs se sont relayés pendant 13 jours et 13 nuits.

De nombreux soutiens ont été apportés par diverses sections CGT, SUD (PTT, Métaux, Santé, Rail), CFDT en lutte, la fédération SUD PTT, l’union syndicale Groupe des 10 et de nombreux individus.

L’occupation s’est passée dans l’unité pendant l’occupation, les tensions humaines dues à la promiscuité de vie se sont retrouvées à l’intérieur de chaque association. (entre ceux qui en faisaient plus et ceux qui n’en faisaient pas assez par exemple) mais entre les associations la primauté des 3 revendications communes (arrêt de la dégressivité de l’allocation AUD ; un revenu décent pour tous, y compris les moins de 25 ans ; un droit de parole et de contrôle à tous les niveaux de décisions). Fut de règle.

Des divergences sur le niveau de revenu plancher furent mises de côté (SMIC pour AC ! c’est déjà un minimum ; 4.000 F., pour L’APEIS, 70 % du SMIC pour la CGT mais en réévaluant le SMIC et en n’y appliquant pas toutes les cotisations des salariés).

L’ASSEDIC, de Bordeaux Mériadeck fut un centre d’information où convergeait les infos, les luttes dans les autres villes.

La reconnaissance de la lutte :

Malgré le blocus médiatique, due d’une part à une volonté toujours présente de minimiser les luttes, d’autres part au conflit des routiers qui monopolisaient tous les moyens concernant l’actualité sociale, l’occupation par sa durée arriva à se faire connaître puis reconnaître.

A L’issue de la 1ere semaine une rencontre eut lieu dans les locaux de la DDTE avec le président de l’UPG (CNPF). Au début de la 2ème semaine, une rencontre eut lieu avec le n° 2 de l’UNEDIC, descendu de PARIS pour écouter les revendications et les transmettre aux partenaires sociaux.

Puis rencontre, un peu forcée au cours d’une manifestation, avec le directeur de la DDTE qui scandalisa tous les présents avec ses problèmes de stocks de chômeurs et ses déclarations sur les prévisions chiffrées et prévues des suicides des chômeurs !.

La date prévue de fin des négociations spécifique à l’AUD, aucun accord n’a pu être trouvé ente les patrons qui demandaient la baisse des charges pour récupérer les 13 milliards d’excédent et l’ensemble des syndicats de salariés. C’est à n’en pas douter le résultat du coup de projecteur mis sur ces négociations. Par les manifestations d’occupation d’ASSEDIC.

Les expulsions :

A l’issue de la grève des routiers, les choses changèrent où l’ASSEDIC occupée de Bordeaux Mériadeck. Le personnel de garde fut remplacé par des vigiles, le téléphone et le fax furent coupé. L’occupation continua malgré tout.

Mais le lundi 2 Décembre à 7 heures du matin, les choses s’accélérèrent. La police cerna le bâtiment, 7 cars de police, 150 policiers expulsant les vingts chômeurs qui passaient la nuit de garde. Une copine de l’APEIS qui voulaient téléphoner à la presse, s’est vue arracher le téléphone des mains et le fil a été sectionné manu militari. Un autre copain du comité « CGT privé d’emploi » a été brutalement arraché au siège des WC sans avoir le temps d’achever correctement ses besoins !.

Joints, les médias sont venus sur l’esplanade devant les ASSEDIC, mais France 3 et M6 ne sont arrivées qu’à 13 h. et n’avaient plus d’images choc à prendre.

Un pouvoir fragile

Sur les médias, il n’y a pas de censure brutale, mais les sujets sociaux ne sont pas filmés à cause du manque de personnel… C’est vrai que ce week-end a été différent du précédent :dès vendredi soir, le personnel des ASSEDIC qui se relayait pour assurer la garde de nuit des locaux occupés, avait été remplacé par un vigile d’une société de gardiennage et le standard téléphonique (pour l’entrant) et le fax étaient coupés. Il faut dire que depuis vendredi soir le conflit des routiers qui avait monopolisé toute l’information nationale se terminait. La possibilité que cette longue occupation atteigne la fin de sa deuxième semaine et prenne une dimension nationale, était crainte par le pouvoir.

L’expulsion s’est faite avec la collaboration de la direction de la direction régionale des ASSEDIC. C’est en effet l’adjointe du directeur des ASSEDIC du Sud-Ouest qui a demandé aux forces de police d’interdire l’accès des locaux de SUD-PTT à une copine d’AC ! à qui Sud avait confié ses clés.

Le droit à la parole :

Au delà de cette occupation la lutte n’est pas finie. Déjà, la date de fin des négociations prévue pour le 19 décembre a été repoussée. Des rencontres avec des représentants de l’union Patronale Girondine (CNPF) et un représentant de la direction de l’Unédic ont permis de faire part des revendications. Bien sur, aucun accord n’est sorti. Mais cette rencontre aura permis que soit reconnu le droit à la parole des chômeurs.

Un mouvement d’occupations :

Multiplication des mouvements d’occupations d’ASSEDIC par diverses associations AC ! APEIS, ou MNCP, (Toulouse, Perpignan, Clermont-Ferrand, Flers, Harfleur, Créteil, Bordeaux, Paris, etc.) ou d’autres lieux comme le centre de formation du CNPF à Paris, ou encore les théâtres, DRAC, gymnase, etc… par les intermittents du spectacle. Ces occupations correspondent au besoin d’avoir un moyen de lutte et de pression pour des personnes qui n’ont pas la possibilité de faire la grève du travail car sans travail. Elles correspondent aussi au besoin de créer des lieux communs à des éparpillés, des isolés. Ces lieux deviennent des lieux de décision avec des Assemblées Générales décisionnelles et des lieux de coordination avec des créations de collectifs d’associations et d’individus (collectif des chômeurs en colère à Bordeaux), de coordination ou de syndicats.

Les acquis de la lutte des chômeurs :

Première « reconnaissance » du droit de parole ; rencontres avec le président de l’Union Patronale Girondine, le n° 2 de l’UNEDIC puis le Directeur de la DDTE-FP, à Bordeaux.

Aucun accord n’a été signé à ce jour, il y a eu, heureusement, un refus unanime des propositions patronales. Par contre, pas de contre propositions syndicale unanimes.

Il y aura un report probable de la date de clôture prévue au 19 décembre, alors que tous les dossiers se retrouvent reportés à ce jour !.

FO et CFDT, culpabilisant sans doute, appellent à créer leurs propres comités de chômeurs, leur reconnaissant donc une existence, peut-être bientôt des droits !

Les suites :

Cette lutte doit continuer par la constitution d’un mouvement de chômeurs revendicatifs d’ampleurs.

Au delà de l’outil de recomposition politique dénoncé par certains anarchistes, AC ! se trouve être un outil de lutte, dans les associations locales investis en nombre par des chômeurs et des précaires.

Aujourd’hui l’action est plus que nécessaire pour sortir de la torpeur ambiante, même si cela doit passer par les voies de l’unité !

Philippe ARNAUD (Groupe Emma Goldman – Bordeaux).

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