Le capitalisme s’affirme de plus en plus comme un monde totalitaire ou global. A l’heure de la mondialisation de l’économie, nous constatons les difficultés à vivre pour tout autre forme d’économie. De plus, l’économie s’affirme comme la préoccupation première de la vie sociale, tout autre problème humain n’apparaissant que comme une conséquence des aléas de la vie économique. De plus, on peut aussi dire que le capitalisme est totalitaire, car même les mouvements qui s’opposent à lui, sont pour lui source de profit et événement à commercialiser par l’intermédiaire de la presse et des médias, mais aussi par le tourisme, telles ces poupées à l’effigie du « sous-commandant Marcos » vendues au Mexique prés du Chiapas, lieu de la rébellion zapatiste.
Ce qui est terrible, c’est que dans le rapport de force actuel, toute aspiration à mieux vivre s’accompagne d’un enrichissement et donc d’un renforcement des capitalistes qui nous oppriment.
Les capitalistes nous oppriment deux fois. Une fois comme producteur salarié, en ne partageant pas le fruit des bénéfices aux producteurs mais en s’en attribuant une part de plus en plus grande. Une autre fois comme consommateur, en influant sur nos choix par les services de propagande publicitaire (publicité directe ou indirecte par les médias).
Résister au capitalisme passe donc par une action individuelle sur ces deux aspects de l’individu dans le champ du capitalisme. Ensuite les résistants pourront s’unir pour mettre en œuvre le renversement du capitalisme.
Dans un premier temps, il faut dénoncer les actes de collaboration, deuxième temps résister en construisant un mode de vie alternatif, troisième temps regrouper les résistants pour rendre cohérent les modes de vie alternatifs et préparer la rupture avec le capitalisme.
Nous nous intéresserons dans cet ébauche d’article aux deux premiers temps.
La collaboration du producteur consiste à vouloir plus de capital à n’importe quel prix. Il y a donc apparemment convergence d’intérêt entre le capitaliste et le producteur salarié. Il y a aussi concurrence sur les bénéfices. Mais dans cette concurrence, on a perdu d’avance car c’est toujours l’autre qui a le pouvoir de rompre le contrat par le licenciement. La liberté du salarié est illusoire. La collaboration est l’opposée de la solidarité de classe, c’est donc tout acte qui peu ou prou va se révéler pénalisant pour un collègue ou un membre quelconque de la classe ouvrière.
La collaboration c’est donc :
- la course aux heures supplémentaires ;
- la course à la promotion individuelle ;
- produire plus que nécessaire ;
- améliorer les délais de production ;
- croire que l’on est un acteur important dans la lutte contre la concurrence ;
- croire que l’entreprise « adverse » nous en veut personnellement ;
- faire corps avec l’esprit d’entreprise ;
- s’amuser quand c’est prévu pour l’esprit d’équipe (animation organisée par le supérieur ou pot avec le chef) ;
- etc.
La résistance passe donc par :
- travailler avec excès de zèle, c’est-à-dire respecter scrupuleusement les règles de sécurité, l’ordre des procédures ;
- retarder les délais à leur dernière limite ;
- produire tout juste ce qui est demandé, sans plus ;
- ne pas proposer d’innovation pour améliorer la production ;
- ne pas essayer de faire mieux que le collègue, au contraire ;
- l’émulation vers la non collaboration et non l’inverse ;
- refuser de parler travail en dehors des heures payées et pendant les pauses ;
- multiplier les moments de pause ;
- faire la gueule pour rendre à tous le travail pénible et lourd, ne pas oublier que c’est un lieu d’aliénation ;
- choisir le temps partiel dés que ses finances le permette et le réduire chaque fois que c’est possible ;
- collectionner les arrêts de travail légaux ;
- ne jamais faire cadeaux d’une minute, penser à la récupérer d’une manière ou d’une autre ;
- ne pas devancer les besoins de l’employeur, l’obliger à dire ce qu’il attend de vous, s’l faut que vous restiez au-delà des heures, obliger l’employeur à le dire et à proposer une compensation ;
- préférer la conscience de classe à la conscience professionnelle ;
- etc.
La collaboration du consommateur consiste à aspirer aux nouveaux produits, la course aux nouveautés, c’est la culture du jetable. Plus on consomme, plus on enrichit les capitalistes de la distribution et de la production. Réduire ses besoins en réfléchissant à ce qui pour soi est nécessaire en dehors de ce qui est proposé, c’est réduire sa dépendance à la société capitaliste. Voir ce soi-même on peut réaliser pendant son temps libre, c’est encore se libérer de la société capitaliste. Avoir besoin de moins acheter, c’est se rendre moins dépendant d’un revenu, d’un salaire pour celui qui travaille, et donc envisager la possibilité de réduire son revenu avec son temps de travail, donc se donner plus de temps libre pour produire par soi-même et pour ses proches.
La collaboration du consommateur c’est donc :
- suivre les publicités de prés, en rêver et avoir envie ;
- confondre progrès et nouveautés ;
- ne pas se soucier des conditions de fabrication ;
- acheter ce que l’on n’avait pas prévu parce que la publicité s’est avérée séduisante ;
- choisir l’individuel contre le collectif, tels les moyens de transport ;
- etc.
La résistance c’est :
- savoir que le commerce, c’est un rapport de force, basée sur la séduction, entre le vendeur et l’acheteur ;
- ne pas faire de réserve ;
- acheter uniquement ce dont on a besoin et que l’on a décider à l’avance ;
- penser à la qualité du produit le plus souvent possible ;
- assumer ses besoins le plus possible en dehors des rapports marchands ;
- privilégier la culture des jardins qu’ils soient personnels ou jardins ouvriers ;
- préférer le bricolage à l’achat de produit tout fait ;
- pratiquer l’échange de produits et de services, le plus possible ;
- etc.
Ces nouvelles formes de résistance nécessitent à un moment donné la mise en œuvre de pratiques d’entraide. Ces pratiques peuvent apparaître comme l’ébauche de la constitution de nouveaux rapports sociaux. Ces rapports n’étant pas marchands, ils ne bénéficieront pas aux capitalistes.
De fait, il est possible d’abattre une société totalitaire en ne la soutenant pas, car elle existe en partie par la « servitude volontaire » comme le disait Etienne de la Boëtie en son temps.
Cet article ne prétend pas à la nouveauté. En d’autres temps ces critiques eurent cours. Il prétend simplement aider à la recherche de la prise d’initiative dans la lutte contre le capitalisme. Il demande à être compléter et enrichi par des expériences concrètes mises en œuvre. Il demande à être critiqué aussi. Il se veut surtout prendre le contre-pied de la lutte. Il permet d’allier lutte individuelle et lutte collective.
Ce mode d’action et de raisonnement devrait permettre aussi que le chômage ne soit plus vécu comme une catastrophe, pour les chômeurs comme pour les salariés. Cela passe par la valorisation du temps libre ou disponible et la mise en place de moyens d’échange et d’entraide ouverts à tout ceux qui veulent entrer en résistance.
Ce raisonnement intègre, même si ce n’est pas son souci premier, des préoccupations dites écologiques et de pénuries d’un certain nombre de ressource collective que le capitalisme pille sans souci. Le capitalisme ne connaît pas les grands rythmes du temps et le présent est son seul souci. Du passé, il nie les propriétés acquises par la violence et continue à gérer un droit d’héritage, du futur, il nie ses responsabilités sur des ressources non renouvelables. Il est donc temps de ralentir la machine. Chers collaborateurs, bonsoir.
