Thom Holterman,
L’anarchisme, c’est réglé. Un exposé anarchiste sur le droit,
Atelier de création libertaire, 2013, 72 p.
Thom Holterman est hollandais ; c’est sans doute pourquoi il a pensé spontanément à l’exemple que donnait Kropotkine à propos de la gestion des canaux de son pays, les routes de la Hollande. En effet, tout un chacun aurait pu penser que c’était à l’État d’organiser le trafic. Ce qui ne fut pas le cas. Ce sont des guildes, des syndicats de bateliers qui, entre eux, organisèrent la circulation sur les eaux jusqu’aux pays voisins.
C’était créer là un usage, une convention, une règle entre égaux, un droit. « De quel droit ? » titrait la revue Réfractions (n° 6, hiver 2000). Eh bien, un droit non étatique.
Et pour ceux des anarchistes qui ont une idée étriquée de la notion de droit et qui pensent que le droit ne peut être qu’étatique, il y a encore du chemin à faire… Mais, pour Holterman, il y a convergence entre anarchisme et droit.
Ce droit non étatique aurait pour fondement la « réciprocité », l’« interaction », la « coopération », l’« entraide » et le « voisinage ».
Il en est ainsi du droit dit « coutumier » quand ce sont les gens eux-mêmes qui « fabriquent » leur coutume, leur droit.
Mais le droit se crée aussi par contrat entre égaux, et on parlera alors de « droit choisi ».
Il est à noter que le droit étatique est relativement nouveau ; dominateur, il tend à marginaliser le droit non étatique ; cependant la pratique d’un droit non étatique perdure et se signale, encore maintenant, par la « médiation », par « l’arbitrage des différends » au moyen d’un tiers, esquissant ainsi le droit d’une société libertaire à venir.
L’exemple des canaux hollandais pourrait être généralisé à toute la société. Cependant, l’emprise de l’État écarte cet imaginaire ; il faut dire que nous sortons lentement de pratiques de servitude qui ne se sont ouvertes que sur le cul-de-sac des élections organisées périodiquement qui ne servent au peuple qu’à « désigner ses geôliers ». En effet, le système parlementaire conforte la domination, l’oppression et l’exploitation.
On rajoutera que le droit étatique aspire à l’autonomie et s’oriente vers la construction d’un « État fort » qui, dans son accointance avec le capitalisme, ouvre la voie à un régime fasciste. Et la présence d’une crise économique favorise cette corrélation.
Ceux qui combattent l’anarchisme en disant que celui-ci préconise une société sans droit ont tort. Et on s’accordera avec eux pour dire qu’une société sans droit est impossible, mais on insistera pour affirmer que les anarchistes s’opposent tout simplement au seul droit étatique.
Un droit anarchiste ou libertaire sera fondé sur l’association libre de ses participants, lors d’un contrat collectif, tous les associés concourant au bien-être commun. Celui qui refuserait sa participation tout en voulant bénéficier du travail de tous − attitude évidente de resquille − se verrait en butte à l’ensemble car il y a en quelque sorte une obligation « implicite » à donner sa participation.
Que faire dans un tel « modèle de réciprocité » quand l’un ou l’autre ne respecte pas ses obligations ? Il n’y sera pas répondu par des sanctions physiques mais par la diminution des échanges en tout genre et puis, si nécessaire, par la rupture des relations réciproques.
L’anarchie n’est donc pas une société sans règles mais une société sans autorité imposée. Oui, l’anarchisme, c’est réglé !
Thom Holterman écrit qu’« au cours d’un processus historique de longue durée l’État s’est substitué à la communauté » ; c’est un usurpateur qui par la violence de ses lois tend à « casser » et à « infantiliser » les individus.
Ainsi, l’anarchisme peut être appréhendé comme une « source », comme un « potentiel critique » pour « dévoiler les structures imposées », préalable à une reconstruction de la société.
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