Chronique raisonnable n° 31 ou leçon d’autodéfense intellectuelle du jeudi 21 février 2013

31ème Leçon d’autodéfense intellectuelle Jeudi 21 février 2013

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31ème chronique raisonnable, pour :

§         apprendre à soumettre à la critique les informations reçues

§         prévenir les manipulations et

§         démonter les croyances,

« Être libre, c’est ne plus avoir peur et être responsable de sa vie ».

 

Continuons notre exploration dont le but est d’établir un jugement rationnel, au travers de nos trois sources de connaissances que sont notre expérience personnelle, la science et les médias. Aujourd’hui encore, nous terminerons l’étude de notre expérience personnelle, et plus particulièrement notre capacité à juger.

 

Mais rappelons-nous l’émission précédente ! Nous avons introduit la question du recours à la science empirique et expérimentale. Nous avons dit que dans de nombreux milieux la raison et la science étaient attaquées sous le prétexte qu’elles couvriraient diverses dominations. Ces critiques peuvent mener à un relativisme qui met à égalité les doctrines paranormales et ésotériques avec la science qui ne serait qu’une « simple construction sociale » et politique. Nous avons alors évoqué la discipline qu’est l’épistémologie, qui se donne pour mission l’étude critique de la science, de ses principes, méthodes et conclusions. Elle pose une question : comment les scientifiques finissent-ils par tenir une proposition pour (probablement) vraie ?

 

Dans ce chapitre et en quelques émissions, nous découvrirons quelques outils de l’autodéfense intellectuelle afin d’exercer son jugement critique devant les recherches scientifiques.

Tout d’abord, nous verrons comment les scientifiques mettent à l’épreuve leurs hypothèses. La science est entre autres une façon de poser des problèmes et d’interroger le réel pour y trouver les réponses. Trois concepts recouvrent cette activité : l’expérimentation avec contrôle de variables, l’expérimentation avec groupes de contrôle et l’expérimentation en double aveugle.

Ensuite nous clarifierons les concepts qui entourent l’idée de science, avec une définition de la science empirique ou expérimentale, et la définition d’autres concepts nécessaire à l’apprentissage de l’épistémologie.

Nous apprendrons quelques balises, au travers d’une série de questions à poser, utiles pour évaluer la validité des résultats de recherche qui nous sont présentés.

Nous clôturerons ce chapitre avec un modèle utile pour évaluer les théories bizarres propagées par les adeptes du paranormal ou de l’ésotérisme.

 

Abordons la science et l’expérimentation.

 

Imaginons-nous à la tête d’une Fondation qui promet un prix de 50 000 € à quiconque démontre des pouvoirs paranormaux ou occultes. Et posons le principe que c’est nous-même qui payeront, de notre poche, tout éventuel gagnant.

Nous recevons la lettre d’un candidat qui pratique la rhabdomancie, forme de radiesthésie, de divination pratiquée avec des baguettes, il est sourcier.

Il indique dans son courrier qu’à l’aide d’une baguette de bois ordinaire (la tradition utilisait du coudrier ou noisetier), il parvient à repérer l’eau située sous la terre. Il explique qu’en se promenant sa baguette tendue à bout de bras devant lui, il constate que celle-ci se met à bouger de façon clairement perceptible. Il indique que c’est alors le signe que de l’eau se trouve sous ses pieds et qu’en creusant on est certain d’en trouver.

Le correspondant s’inquiète du sérieux de notre proposition mais, sûr de remporter le prix, il s’en réjouit. Il comprend qu’il faudra des preuves mais affirme que la radiesthésie est pratiquée depuis la nuit des temps et que donc les preuves ne manquent pas.

Son expérience a permis d’installer prés de quinze puits dont il fournit la liste des propriétaires de terrains qui possèdent un puits grâce à lui et à ses baguettes. Les habitants des environs le connaissent bien pour la réussite à tout coup de son art, et ils font appel à lui à chaque fois qu’il s’agit de creuser un puits. Il donne son adresse pour faire suivre le chèque au plus vite.

Le payerons-nous ?

Bien sûr, nous demanderons auparavant des preuves, mais procédons par ordre.

Nous devons déterminer quels sont les arguments de notre candidat pour soutenir sa thèse.

D’abord, demandons-nous quelle est la thèse qu’il soutient et ensuite, il nous faut trouver les arguments avancés comme preuve, enfin il nous reste à déterminer leur validité.

Notre candidat semble affirmer que le pouvoir de détecter l’eau au moyen d’une baguette de bois existe, et que lui-même possède ce pouvoir.

Il invoque en faveur de cette première conclusion que cet art est pratiqué depuis longtemps et que lui-même le pratique avec succès.

Devrons-nous nous contenter de cela et le payer ? Bien sûr que non.

D’abord, la thèse soutenue n’est pas très claire : où ? quand ? comment ? dans quelles conditions ? Dés qu’on approfondie la thèse, on se pose des tas de questions. Par ailleurs, nous savons très bien que des choses connues et admises depuis longtemps, et tenues pour vraies par des individus, des groupes ou même des sociétés toutes entières, se sont révélées fausses. Nous savons aussi avec quelle facilité les gens peuvent se leurrer eux-mêmes, peuvent se tromper, peuvent mal voir, mal se souvenir, mal juger et ainsi de suite. Nous savons aussi que les faux témoignages existent.

Compte tenu de tout cela, nous sommes amenés à enquêter.

Nous trouvons dix témoins parmi ceux que le candidat a désigné. Ils semblent dignes de foi et tous nous assurent que le candidat a bien trouvé l’emplacement de leur puits.

Le payons-nous, maintenant ? Toujours pas.

Comme nous sommes prudents, nous nous disons que même si le candidat a bien indiqué où se trouvait l’eau pour chacun de ces cas, il y a bien d’autres facteurs qui ont pu jouer. Nous ne pouvons exclure qu’il ait trouvé l’eau par chance, tout simplement. Ou encore parce qu’il y avait de l’eau partout sur le terrain où il la cherchait, à diverses profondeurs. Ou parce qu’il est très habile à repérer, consciemment ou non, des indices qui permettent de penser raisonnablement qu’il y a de l’eau à un endroit donné.

Comme nous ne pouvons pas exclure ces hypothèses et que celles-ci rendent tout aussi bien compte de ce qui a été observé que l’explication du sourcier, nous devons nous assurer avant de payer le sourcier, que ces facteurs, ou d’autres encore, n’expliquent pas sa réussite, apparente. Nous cherchons l’explication la plus économique, celle qui nous impose d’évoquer le moins d’entités possibles : pourquoi invoquer un étrange pouvoir autrement inconnu là où des facteurs simples et bien connus suffisent à explique ce qu’on observe ?

En y réfléchissant bien, nous ressentons le besoin de préciser ce que nous devons tester, les conditions précises du test et quels sont les résultats qui confirmeraient la validité de l’affirmation de départ. Vous devinez là quelles sont les difficultés rencontrées pour élaborer une méthode. Nous commençons à poser le problème comme on le fait en sciences. Vous noterez que cette manière de penser et de chercher comment tester une idée, celle de la science, est la manière de penser du commun des mortels face à un problème courant. A la différence prés, qu’elle est menée avec une rare rigueur et de manière obstinée.

L’idée d’expérimentation est assez simple dans son principe. Il s’agit de vérifier si ce qui est allégué est réel, présent, avéré, etc. Mais dans les faits, le procédé peut devenir très complexe, car il est difficile tant d’observer que d’être sûr que c’est bien ce dont on recherche la présence qui agit sur ce que l’on observe.

 

Nous verrons lors de la prochaine émission trois modalités de vérification expérimentale, qui nous mettront à l’épreuve de ces difficultés et nous montreront des manières de tenter de les surmonter. Nous les avons déjà évoquer, il s’agit de l’expérimentation avec contrôle de variables, de l’expérimentation avec groupes de contrôle et de l’expérimentation en double aveugle. Cela donne une idée assez juste de ce que font les scientifiques.

 

Mais avant de nous quitter, je vous livre l’histoire du puissant rasoir d’Ockham.

Pluralitas numquam est ponenda sine neccesitate. Ce qui signifie « La pluralité ne doit pas être postulée sans nécessité » ou « On ne doit pas multiplier les êtres sans nécessité ».

Cette maxime est attribuée à Guillaume d’Ockham (vers 1285-1349), moine franciscain, et plus important philosophe de son temps. Excommunié par le pape Jean XXII, Ockham répondit par un traité démontrant que le pape était un hérétique.

Souvent connu sous le nom de rasoir d’Ockham, ce principe est devenu un des apports majeurs de la pensée médiévale à la pensée critique. Cependant, il est douteux que le moine aurait souscrit aux usages que la pensée moderne devait faire de son célèbre rasoir. Au départ, le principe de parcimonie est utilisé dans le contexte de la Querelle des Universaux ; Ockham (avec bien d’autres) le met au service de la thèse nominaliste. Mais dans la pensée moderne, le rasoir d’Ockham devient un principe de parcimonie ou d’économie. Ce principe, à la fois méthodologique et ontologique, recommande de rechercher l’explication la plus simple, de retenir l’hypothèse par laquelle on postule le moins d’entités possibles. Fort utile en sciences, ce principe l’est tout autant dans l’examen des prétentions de certains parascientistes. On ne peut pas prouver qu’il n’y a pas eu de visites d’extraterrestres ayant, disons, construit les pyramides d’Egypte ou ériger les statues de l’île de Pâques ; mais si on parvient à rendre compte de ces phénomènes sans faire intervenir les Martiens, cette explication, plus simple, doit être privilégiée.

 

Enfin, n’oubliez pas les conseils des émissions précédentes, ces conseils vous sont donnés pour laisser le moins de prise possible à l’émotion manipulatrice voulue.

 

Et retrouvez sur le site du cercle libertaire Jean-Barrué (http://cerclelibertairejb33.free.fr ) nos chroniques en référence au « Petit cours d’autodéfense intellectuelle » de Normand Baillargeon.

 

Alors, à la prochaine fois

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