Achaïra n° 114 du jeudi 8 septembre 2011 – Chronique éco

Chronique économique du 26 août au 08 septembre 2011

 

Le 29 août nous apprenions que Rome modifiait son plan de rigueur et abandonnait la taxe sur les revenus élevés.

 

Berlusconi, qui est la troisième fortune d’Italie selon le magazine Forbes, avait annoncé le 12 août, lors de la présentation du plan de rigueur, une taxe de 5% sur les revenus supérieurs à 90.000 euros par an et de 10% au-dessus de 150.000 euros, et tout cela sans cacher une certaine contrariété à adopter une telle mesure, et on le comprend.

Eh bien, sachez que le gouvernement, dans un premier temps, a annoncé l’abandon de cette fameuse « contribution de solidarité » qui aurait pesé sur les Italiens les plus riches. Comble de l’ironie, la décision a été prise dans la villa luxueuse, que dis-je somptueuse, de Arcore, propriété Milanaise du Cavalieri.

Mais, ces derniers jours, Berlusconi, sous la pression de la rue et des marchés, a en partie cédé puisqu’il accepte de taxer de 3 % les revenus supérieurs à 500.000 € par an. On est malgré tout très, très loin du compte.

Nous connaissions ses tendances de satyre libidineux avec ses soirées « bounga bounga », son côté mafieux avec ses multiples affaires de corruptions, mais, alors là ! j’avais oublié cette forme de cynisme sans borne et ce culot qui caractérise cet individu méprisable qu’est Berlusconi.

Le 26 août c’est la Fed qui rendait son tablier

Eh oui, à Jackson Hole dans le Wyoming, à l’occasion de l’université d’été des banques centrales, Ben Bernanke, patron de la banque centrale américaine, n’a finalement rien annoncer lors de son discourt annuel, si ce n’est  qu’il passait la main, reconnaissant qu’après avoir tout tenté il se trouvait désarmé face à la situation économique et a renvoyé  la balle au gouvernement américain.

Ce flop a laissé sur leur faim de nombreux analystes comme ceux du cabinet IHS Global Insight, qui s’attendaient à ce que Bernanke affirme au moins :

« Nous savons ce qu’il faut faire, nous le ferons si nécessaire. »

Mais que nenni ! Force est de constater que le niveau de désespérance s’accroît  au fur et à mesure que la crise s’approfondit.

La croissance de l’Inde marquait le pas en cette toute fin de moi d’août

Dans les pays émergents aussi, la crise fait son chemin. Le marché s’attendait à ce ralentissement au vu de la politique monétaire agressive pratiquée par la banque centrale indienne pour tenter d’enrayer une inflation frôlant les 10%, gros point noir de l’économie.

Les analystes avaient anticipé une croissance de 7,6%. On a eu une hausse de 7,7%.

Un rythme tel pourrait faire rêver des pays comme les nôtre, atteints de croissance anémique. Mais il faut savoir qu’une croissance de l’ordre de 7% ne suffirait pas à réduire le niveau de pauvreté du pays, seulement possible à partir d’un seuil de 10%.

Ce ne sera donc pas pour demain que le peuple indien aura accès à des services publics fondamentaux gratuits et une protection sociale efficiente.

Durand ces deux semaines écoulées la crise grecque n’a pas fini de donner des sueurs froides aux marchés et de procurer des nuits blanches à nos dirigeants

Beaucoup de tractations dans l’urgence ont eu lieu ces derniers jours. Trois bras de fer sont engagés afin de tenter de boucler le deuxième plan de sauvetage de la Grèce. Avec la Finlande qui persiste à demander des garanties pour son prêt. Avec la Grèce qui a refusé de donner de nouveaux tours de vis pour compenser l’insuffisance de recettes fiscales, ce qui a amené la Troïka à spectaculairement interrompre sa mission et à menacer de bloquer le versement d’une nouvelle tranche d’aide. Et, enfin, avec les banques qui continuent de renâcler à participer au volet privé du plan, et là on sent bien une défiance, voire une aversion de la part de celle-ci à participer à ce projet.

Ces mêmes banques ont eu l’ordre intimé par Christine Lagarde, patronne du FMI, de recapitaliser de toute urgence leurs fonds propres. En langage profane, cela signifie qu’il est urgent d’anticiper, pour les banques exposées,  une faillite de la Grèce, voire sur d’autres pays.

Alors, pour une fois qu’elle ne dit pas d’énorme conneries, on ne va pas bouder le plaisir de la citer n’est ce pas ?

C’est donc irrésistiblement que la Grèce se dirige vers un défaut de payement ; et j’en veux pour preuve les récents propos du « comité parlementaire indépendant Grecque» qui estimait le 31 août que la dynamique de la dette grecque serait désormais « hors de contrôle ».

Le temps n’est plus aux demi-mesures. Il est à l’anticipation de défauts sur la dette souveraine car, à ce stade, elles ne peuvent plus être résorbées.

Dès lors, la question se pose : Comment imposer aux banques une recapitalisation afin d’assumer un défaut de payement de ses débiteur et comment y procéder ?

Des indices macro économiques encourageant peut-être ?

Pas vraiment. On pourrait citer pêle-mêle, qu’aux États-Unis l’indice de confiance des ménages était au plus bas depuis avril 2009, qu’il y a eu un brusque coup de frein sur les embauches en août et que la bulle immobilière ne finissait toujours pas de se dégonfler.

Nous avons aussi appris en Europe que la consommation des ménages italiens ne cessait de baisser et que la pauvreté s’est aggravée en France en 2011. C’est le Secours populaire qui nous annonce que 13,5 % de la population de France métropolitaine étaient considérés comme pauvre.

Et, enfin, nous avons appris que la production industrielle du Japon était au point mort.

 

Conclusion

Je citerais François Leclerc qui est un journaliste proche des économistes atterrés* et de Paul Jorion*.

« Nous nous dirigeons vers le centre d’une dépression, où comme chacun le sait règne un lourd et étrange calme plat, alors qu’autour c’est le gros temps. La Grande Perdition est désormais arrivée à maturité, elle se manifeste simultanément dans tous les domaines et l’ensemble du monde dit « développé » : tour à tour financier et économique, politique et social. Avec une attention particulière réservée au monde politique, traversé par des contradictions exacerbées et faisant face à des blocages de plus en plus difficiles à contourner. Craignant l’arrivée de crises sociales accentuées, telles qu’elles se répandent dans le monde, au Chili, en Israël aujourd’hui, avec comme dénominateur commun la lutte contre les inégalités sociales et dans le cas de l’Inde contre la corruption. »

Ces révoltes sociales, que décrit F. Leclerc, sont en train elles aussi de mûrir et de s’organiser malgré le conformisme des possédants et l’objection de certains syndicats et partis d’opposition qui ne voient pas d’un très bon œil le changement radical puisqu’ils ont eux- même un intérêt particulier dans le statu-quo.

Mais quand le rapport de force sera créé, il sera ensuite temps de s’attaquer aux racines du mal, de stopper la machine à produire de la dette en redistribuant la richesse, notamment fiscalement et pourquoi pas en expropriant, et en interdisant, sans autre forme de procès, les produits et transactions financières spéculatifs.

Camarades, les indigné.e.s d’Europe et du monde entier nous montrent la voie et nous disent qu’il n’est pas nécessaire d’attendre l’homme providentiel qui ne viendra sûrement jamais. Le capitalisme financier arrive au terme de ses contradictions, profitons-en et saisissons notre chance de changer le monde radicalement.

 

Glossaire

 

Les économistes atterrés : Il s’agit à l’origine de quatre économistes de Science Po et du CNRS qui ont réussi à attirer une centaines d’autres économistes et qui ont des proposition de réforme de l’économie et de la finance totalement alternative.  http://atterres.org/ ou en vidéo

Paul Jorion : Anthropologue et économiste, il est l’un des tous premiers à avoir anticipé la crise des subprimes en 2005. http://www.pauljorion.com/blog/

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