Vaneigem & A. Dax, Achaïra, 13 janvier 2011

Raoul Vaneigem, L’État n’est plus rien, soyons tout,

Rue des Cascades éditeur, 2010, 48 p., 6 euros.

Personne ne présente plus Raoul Vaneigem, né en 1934, qui fut le situationniste que l’on sait. Son chemin est long, et je n’ai pas la prétention d’avoir lu toute son œuvre, mais cette dernière publication pourrait inciter à le faire. Il s’agit là de deux textes :

« L’État n’est plus rien, soyons tout » :

Ce premier texte est écrit à la demande du mouvement antiautoritaire grec pour une démocratie directe ; demande à participer à une table ronde sur les options à opposer au capitalisme mondial qui nous entraîne vers la catastrophe. Vaneigem qui ne participe à aucun débat oral a donc envoyé ce texte.

Pour Vaneigem : « Désormais, les États ne sont plus que les valets des banques et des entreprises multinationales. » Il ne reste à l’État « qu’une seule fonction : la répression policière ». « Mais, dans le même temps, il [l’État] a ensommeillé cette conscience qu’il nous appartient de réveiller aujourd’hui en offrant comme repères les valeurs humaines, celles qui tant de fois furent au coeur des émeutes, des révoltes, des révolutions. »

1. Que sommes-nous prêts à mettre en place pour pallier la défaillance de l’État ? Vaneigem cite les collectivités zapatistes du Chiapas qui « sont peut-être les seules à appliquer aujourd’hui la démocratie directe ».

Il rajoute que les zapatistes ne se veulent « pas un exemple mais une expérience ».

2. Le système de l’argent est en train de se désintégrer. Que ferons-nous quand, après un krach financier, l’argent aura perdu de sa valeur et de son utilité ? Vaneigem répond :

« La société à venir n’a pas d’autre choix que de reprendre et de développer les projets d’autogestion qui, de la Commune de Paris aux collectivités libertaires de l’Espagne révolutionnaire, ont fondé sur l’autonomie des individus une quête d’harmonie, où le bonheur de tous serait solidaire du bonheur de chacun. »

3. Plus, même, il s’agirait de tout remplacer par le don généralisé.

Mais « comment défendre les enclaves de la gratuité » ?

Et, encore une fois, nous est confirmée l’avancée d’une idée, d’une pratique, celle de la désobéissance civile, sinon de la non-violence ; cela, sous la plume de l’ancien situationniste : « Ni guerrier ni martyr », écrit-il. L’alternative ?

« Ou la détermination de mettre fin à la violence répressive entrait sur le terrain de l’ennemi et s’y installait, en lui opposant une violence de même nature, bien que de sens contraire ; ou l’opposition à la tyrannie recourait à une résistance passive, sur le mode du pacifisme prôné par Gandhi avec un incontestable succès. »

C’est ici que l’on s’aperçoit que Vaneigem a encore du chemin à faire – si je peux me permettre de le dire – quand il parle du « pacifisme » de Gandhi. Mais là n’est peut-être pas l’essentiel. S’il est sensibilisé au problème, il ne fait pas de choix car pour lui le gandhisme « s’est trouvé inopérant » en Afrique du Sud comme en Birmanie devant la junte qui n’hésite pas à mitrailler des foules pacifiques.

Cependant, si l’on choisit la guérilla, il écrit : « Chaque fois qu’elle l’a emporté ; ce fut pour le pire. Le triomphe des armes aboutit toujours à une amère défaite humaine. »

La question reste donc irrésolue pour Vaneigem. Mais il a posé la bonne question.

Pour lui, « la meilleure sauvegarde consiste à ne pas entrer sur le terrain où l’ennemi nous attend et nous espère ».

« Céder à la peste émotionnelle, à la vengeance, au défoulement, c’est participer au chaos et à la violence aveugle dont l’État et ses instances répressives ont besoin pour continuer à exister. »

Au Chiapas, à la demande des femmes, l’Armée zapatiste de libération nationale se tient sur la défensive. Quand des villages ont été menacés par des groupes paramilitaires, un bouclier humain formé de centaines de partisans et de sympathisants s’est formé, l’événement étant couvert par des journalistes et des caméramans de la télévision pour informer le monde entier. Cela a suffi pour faire reculer les agresseurs. La même tactique est utilisée par les Palestiniens non violents.

Le deuxième texte : « Un changement radical est à notre portée ».

Retour sur le passé situationniste de Vaneigem. C’est un dialogue entre Vaneigem et son traducteur espagnol du Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations.

Il s’agit d’abord d’un questionnement sur une opposition entre un Debord « personnage hégélien » et un Vaneigem « ultra-romantique » et « romantique révolutionnaire ». Mais il s’agit de plus que cela ; difficilement résumable ici. Lecteur, vas-y voir !

Je note, à partir de la phrase de Marx qui écrivait que les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde et que maintenant il faut le transformer, le commentaire de Vaneigem :

« Ce n’est pas par la pensée séparée de la vie que nous changerons le monde, c’est par la conscience de notre existence quotidienne, de la vie qui tente de s’y émanciper en propageant la gratuité, l’affinement des désirs, la générosité. »

Si l’expérience des zapatistes du Chiapas a fortement marqué Vaneigem, il déclare cependant que ce modèle n’est pas exportable. Pour autant, quelles leçons pouvons-nous en tirer ?

° ° °

Adrien Dax, Écrits,

Rue des Cascades éditeur, 2010, 192 p., 14 euros.

Comme vous le savez, les anars n’ont pas de père : ils en ont d’innombrables, dame Anarchie pratiquant l’amour libre. Les surréalistes, eux, eurent « un » père en la personne d’André Breton. Aussi, en 1966, à la mort de ce dernier, en France, il y eut rapidement problème de succession chez les orphelins. À l’étranger, il en alla bien autrement.

Pour faire bref, et sans nous attarder à savoir s’il y eut des problème de leadership dans le groupe surréaliste parisien, disons que certains, menés par Jean Schuster, décidèrent de la fin de la période du surréalisme historique ; ce, par la publication dans le Monde du 4 octobre 1969 d’un texte : « le Quatrième Chant ». Ils abandonnaient ainsi le qualificatif surréaliste ; tandis que d’autres, avec Vincent Bounoure, se prononçaient pour continuer l’aventure.

Adrien Dax (1913-1979), surréaliste discret, choisit le premier groupe et Jean Schuster. Adrien Dax, auteur d’une œuvre graphique et plastique fondée sur « l’exploration systématique de procédés «automatiques» tels que le frottage, le fumage, le grattage, la décalcomanie, l’impression en relief, etc. », a toujours voulu se situer « en dehors de l’art ».

Ce petit bouquin réunit tous les textes donnés aux différentes revues surréalistes allant de Médium à l’Archibras jusqu’au Libertaire. Il faudrait plus de temps pour en rendre compte, surtout que la lecture n’est pas toujours facile. Oui, il y a quand même, dans certains textes, beaucoup de « jargon » surréaliste peu accessible à tout un chacun. Quant à moi j’ai surtout envie de retenir la réponse que fit Dax à l’enquête de Bounoure : « Rien ou quoi ? », pleine de lucidité, d’honnêteté et d’amitié pour celui avec qui il rompt :

« Si l’amitié est, de toute évidence, nécessaire pour ceux qui se reconnaissent un but commun, elle ne saurait suffire, sans doute, pour définir le groupe ainsi constitué. »

Recevable, non ? Allez ! Bonsoir !

° ° °

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2 réponses à Vaneigem & A. Dax, Achaïra, 13 janvier 2011

  1. solange dit :

    rue des cascades, c’est pas mal hein…

  2. solange dit :

    rue des cascades, c’est pas mal hein…

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